Partageant sa vie entre Berne et Berlin, avec un cœur tourné vers l’Est, et une passion pour l’imaginaire, Dominique de Rivaz est sans doute l’une des figures les plus importantes du cinéma et de la culture en Suisse. La Cinémathèque suisse est très heureuse de l’accueillir pour une rétrospective de son travail de réalisatrice à l’occasion de la première de son nouveau film, Un selfie avec Anton Tchekhov.
Née en 1953 à Zurich, d’origine à la fois valaisanne et italienne, Dominique de Rivaz a connu très tôt la célébrité: en 1978, participant à l’émission La Course autour du monde, son visage et surtout ses films courts tournés en Super 8 font, pendant plusieurs mois, les belles heures des télévisions francophones. A son retour, elle travaille au service de presse du CICR et au service photo du magazine L’Hebdo. Mais, contraire- ment à certains de ses collègues, qui, course terminée, ont persévéré dans le journalisme, Dominique de Rivaz retourne derrière la caméra.
En 1985, elle signe son premier court métrage, Aélia, une fiction en noir et blanc située au Moyen Âge qui raconte l’amour interdit d’une femme éprise d’un gisant de granit. Ce film «onirique, mystique, dont chaque plan est une peinture, une composition de chair et de pierre» (pour Les Cahiers du cinéma) va faire le tour du monde des festivals et remportera le prix du public au Festival de Clermont-Ferrand. Après un documentaire consacré à Georges Borgeaud, elle signe une deuxième fiction courte, Le Jour du Bain, présentée au Festival de Locarno en 1995, saisissante évocation du massacre des juifs ukrainiens à Babi Yar, en 1941, vue à travers le destin d’une femme, Lena, incarnée par Ingvild Holm.
Puis, elle retourne au documentaire en cosignant avec Jacqueline Veuve une Balade fribourgeoise (1997), suivie par un hommage à Jean Rouch coréalisé avec Lionel Baier, Mon père c'est un lion (2002). Elle se lance alors dans l’aventure de son premier long métrage de fiction, Mein Name ist Bach, film historique et en costumes où elle raconte la rencontre en 1747 entre le compositeur vieillissant et le jeune roi de Prusse Frédéric II. Un duel psychologique et musical entre deux monstres, et une guerre des clans entre musique et pouvoir, traités non sans humour, qui remporte le Prix du cinéma suisse en 2004.
Elle revient ensuite au documentaire en signant, en 2005, un émouvant hommage à Jacqueline Veuve (Chère Jacqueline). Suivi, en 2008, par son deuxième long métrage de fiction, Luftbusiness, récit faustien de trois jeunes marginaux qui vendent sur internet leur âme, et qui vaudra à l’acteur Dominique Jann un Prix du cinéma suisse. Suivront un portrait pour la télévision du cinéaste Claude Goretta, ainsi que, en 2013, l’essai poétique tourné dans le Grand Nord russe, Elégie pour un phare.
Dominique de Rivaz poursuit en parallèle une remarquable carrière de photographe et d’auteure, avec plusieurs ouvrages publiés aux éditions Buchet-Chastel, Zoé ou Noir sur Blanc, dont récemment Kaliningrad, la petite Russie d’Europe, magnifique témoignage sur cette enclave russe en Europe, située, aujourd’hui comme hier, au centre de grandes tensions géopolitiques.
Frédéric Maire
Evénement
Avant-première: Un selfie avec Anton Tchekhov de Dominique de Rivaz
«Ich sterbe...». Ces deux mots ont fait bifurquer mes projets de cinéaste. Les derniers mots qu’Anton Tchekhov prononça à l’instant de mourir. Deux mots qu’il énonce, non pas en russe, sa langue maternelle, mais en allemand, une langue dont il ne connaît que les rudiments. Il a 44 ans.
Je dois me mettre en route vers ces deux mots, mettre mes pas dans ceux d’Anton Tchekhov, pour son ultime voyage. Ultime provocation douce-amère, il dit: «Aller mourir là-bas plutôt que d’avoir les journalistes dans mon jardin». Ou bien attend-il, sans se l’avouer, un miracle de la médecine allemande ?
La structure polyphonique de cet essai est en adéquation avec la structure même des pièces de Tchekhov: de nombreuses voix s’entrelacent, se répondent ou restent en suspens, laissant place au silence.
L’esprit des pièces et des récits d’Anton Tchekhov, de l’univers citadin ou campagnard qu’il décortique crûment, est encore le même aujourd’hui. Sa radiographie de la société et de la mesquinerie humaine, on la rencontre tous les jours en ce siècle qui est le nôtre. Lire Tchekhov c’est comprendre la Russie d’aujourd’hui. Filmer Tchekhov, c’est le remercier.
Dominique de Rivaz
Dominique de Rivaz
Née en 1953 à Zurich, Dominique de Rivaz partage aujourd’hui sa vie entre Berne et Berlin. En 1978, elle participe à l’émission La Course autour du monde, puis obtient en 1981 une licence en littérature, histoire et philologie à l’Université de Fribourg. Elle débute sa carrière de cinéaste en 1985 avec le court métrage Aélia. Dominique de Rivaz réalise ensuite de nombreux courts métrages et documentaires, avant de recevoir, en 2004, le Prix du cinéma suisse pour son premier long métrage de fiction Mein Name ist Bach. En 2008, sort son deuxième long métrage, Luftbusiness. La même année, elle édite son premier roman, Douchinka, amorce d’une œuvre littéraire qui, comme son travail photographique, débuté en 2009 avec Sans début ni fin – Le Chemin du Mur de Berlin, viendra compléter son univers cinématographique.
Evénement
Séance en présence de la cinéaste
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Séance en présence de la cinéaste