Intégrale Costa-Gavras
A l’occasion de l’avant-première du nouveau film de Costa Gavras, Adults in the Room, la Cinémathèque suisse propose une rétrospective de l’intégralité des longs métrages du cinéaste franco-grec, figure d’un cinéma engagé et humaniste, et auteur de thrillers politiques d'anthologie, entre suspense et effroi.
Costa-Gavras, sans concession
En raison de l’engagement politique de son père, Constantin Gavras, plus connu sous son surnom de Costa-Gavras, quitte la Grèce à l’âge de 19 ans pour étudier à Paris. Habitué des salles de la Cinémathèque française de la rue d’Ulm, il considère Greed (Les Rapaces) d'Erich von Stroheim – par ailleurs grand parrain de notre institution – comme l’un des films qui lui ont fait comprendre que le cinéma pouvait aussi tenir un discours engagé.Diplômé de l’IDHEC, il devient assistant de plusieurs cinéastes français et signe en 1965 son premier long métrage, Compartiment tueurs, film noir tiré au cordeau qui doit impérativement être revu, d’autant que nous le présentons ici, comme plusieurs autres films de Costa-Gavras, dans une copie restaurée. On y retrouve Michel Piccoli, ainsi qu’un couple célèbre de ses amis, Simone Signoret et Yves Montand, qui l’accompagneront tout au long de ses films suivants.Z, L’Aveu, Etat de siège, Missing, Amen: son œuvre est jalonnée de films qui dénoncent le pouvoir totalitaire, quel qu’il soit, du nazisme au capitalisme outrancier en passant par le régime des colonels en Grèce, le stalinisme ou les dictatures sud-américaines. Jamais, pourtant, il ne sombre dans le manichéisme, la facilité de la démonstration; bien au contraire, il allie l’efficacité d’une mise en scène très précise et rigoureuse avec la dimension sensible de chaque récit, confiant à ses exceptionnels comédiens tels qu'Yves Montand, Michel Piccoli, mais aussi Michael Lonsdale, Jack Lemmon, Jill Clayburg ou Romy Schneider, la part d’humanité qui se cache au fond de chacun.Music Box est le parfait exemple d’un récit qui confronte le drame familial intime (la relation entre l’avocate Jessica Lange et son père Armin Müller-Stahl) avec les vérités et mensonges de l’histoire. Au fil du temps, ce que le cinéma de Costa-Gavras révèle, avec rigueur et finesse, tient plutôt de la complexité du monde et du besoin qu’a chacun d’y trouver sa place, coûte que coûte, comme le cadre licencié du Couperet, interprété par José Garcia. Car nombreux sont aussi les films de Costa-Gavras qui s’insurgent contre un système capitaliste qui tend à broyer les faibles, qu’ils soient chômeurs, réfugiés... voire un peuple tout entier.Nous sommes ainsi très honorés de pouvoir distribuer en Suisse – et de présenter ici en avant-première – son dernier film, Adults in the Room, projeté en compétition au Festival de Venise. Une véritable tragi-comédie grecque sur la crise de la dette qui a vu le gouvernement d’Alexis Tsipras et de son ministre des finances Yánis Varoufákis se confronter durement à ses homologues européens. Ce grand film politique est symbolique d’un retour du cinéaste à sa mère patrie et aux souffrances qu’elle doit endurer, avec tout le mordant, l’humour et la puissance politique dont le cinéaste a le secret.Rappelons enfin que ce grand cinéphile préside depuis 2007 à la destinée de la Cinémathèque française, dont les liens avec notre institution sont presque entrés dans la légende. C’est donc en ami et presque collègue que nous espérons l’accueillir à Lausanne, en chair et en os ou virtuellement, en fonction des aléas de la pandémie.
Frédéric Maire
Les autres films de l’intégrale
Costa-Gavras a tracé les contours d’une œuvre engagée, sondant les arcanes d’un pouvoir politique vérolé (Z, L’Aveu, Etat de siège, Missing), explorant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale (Un homme de trop, Section spéciale, Music Box, Amen), le racisme (Hanna K., Betrayed, Eden à l’Ouest) ou la perversité du monde du travail (Mad City, Le Couperet, Le Capital), sans pour autant renoncer au drame intime (Clair de femme) ou à porter un regard malicieux sur le monde (Compartiment tueurs, Conseil de famille, La Petite Apocalypse).