Rétrospective Henry Brandt
A l’occasion du centenaire de la naissance d'Henry Brandt, figure majeure du cinéma suisse des années 1950 à 1980, son œuvre cinématographique et photographique est mise en lumière à travers une série d’événements. A la Cinémathèque suisse, une rétrospective de 15 films est à découvrir en novembre et décembre.
Expositions à Neuchâtel
Du 14 novembre 2021 au 29 mai 2022, l’exposition «Henry Brandt, cinéaste et photographe» du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel met en lumière la diversité de l’œuvre d'Henry Brandt en soulignant les principaux traits de son travail entre photographie et cinéma.Il en résulte un parcours qui nous emmène de Neuchâtel au vaste monde, à travers une sélection de plus de 200 photographies largement inédites et des extraits de ses films les plus significatifs réalisés entre 1950 et 1980. Henry Brandt y relate notamment le quotidien d’une classe de La Brévine, questionne la société d’abondance helvétique, dénonce l’isolement des personnes âgées, rend compte des menaces environnementales ou sanitaires, révèle la lutte des plus défavorisés dans les nouvelles nations issues de la décolonisation.Grâce à une scénographie immersive, le public peut aussi découvrirune évocation du dispositif multimédia unique de La Suisse s’interroge de l’Exposition nationale suisse à Lausanne en 1964. Inaugurée en mai 2021, l'exposition «Mirages de l'objectif. L'invention des nomades du soleil» est visible dans le parc du Musée d'ethnographie de Neuchâtel jusqu'au printemps 2022.
Publication d’un ouvrage collectif
Un ouvrage collectif de plus de 350 pages, dirigé par Pierre-Emmanuel Jaques et Olivier Lugon, fait découvrir la richesse de l’œuvre protéiforme d’Henry Brandt, menée des années 1950 aux années 1980 à travers films documentaires, reportages photographiques, albums illustrés et émissions de télévision. Il retrace son parcours entre les médias. Il examine sa position entre travail de commande et critique de la société contemporaine. Il interroge son ambition constante de lier la description du local et l’exploration du lointain pour saisir les grands enjeux de la société de son temps: éducation, vieillissement de la population, pollution, xénophobie, consumérisme, inégalités entre les pays riches et pauvres. Il donne en particulier à voir une large série de diapositives prises lors du tour du monde effectué sous l’égide de l’OMS et parallèlement au tournage d’un film (Voyage chez les vivants) qui s’est aussi décliné sous la forme d’une série télévisuelle. L’ouvrage, abondamment illustré d’images en grande partie inédites, rassemble des études d’historiennes et d’historiens du cinéma, de la photographie et de l’ethnographie, ainsi qu’un catalogue détaillé de l’ensemble de ses films et de ses livres.Pierre-Emmanuel Jaques et Olivier Lugon (dir.), Henry Brandt, cinéaste et photographe, Ed. Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel / Ed. Scheidegger & Spiess, Neuchâtel / Zurich, 2021, 352 p.Avec les contributions de Christophe Brandt, Faye Corthésy, Roland Cosandey, Caroline Fournier, Pierre-Emmanuel Jaques, Aude Joseph, Chantal Lafontant Vallotton, Olivier Lugon, Frédéric Maire, Grégoire Mayor, Nicolas Ricordel et al.L'ouvrage sera vendu lors de la soirée d’ouverture de la rétrospective.
Le précurseur autodidacte
Comme de nombreux cinéastes helvétiques, Henry Brandt – qui aurait eu 100 ans cette année – était un peu chez lui à la Cinémathèque suisse. Freddy Buache, de trois ans son cadet, a beaucoup suivi, écrit et célébré, tout au long de sa carrière, ce cinéaste foncièrement solitaire.C’est ainsi tout naturellement que l’ensemble de ses archives cinématographiques ont été déposées dans notre institution. Malheureusement, au fil du temps, son œuvre est peu à peu passée dans l’ombre, devenue presque invisible, parfois ramenée à la mémoire à travers une image – celle du Peul Wodaabe des Nomades du soleil, du professeur de Quand nous étions petits enfants, ou du petit garçon de La Suisse s’interroge —, mais juste une image.C’est pour cette raison que la Cinémathèque suisse a souhaité, il y a désormais plusieurs années, mettre en lumière la carrière exceptionnelle d’un créateur autodidacte, à la fois photographe et réalisateur, et qui fut également un véritable précurseur au sein du cinéma de ce pays, toujours à l’écoute du monde, à la fois d’ici et d’ailleurs. Notre institution a ainsi restauré systématiquement ses films les plus importants, avec le soutien de l’association Memoriav et de la Radio télévision suisse, notamment avec l’accompagnement de ses fils, Christophe et Jérôme Brandt. Le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel s’est joint à l’aventure en organisant une grande exposition, qui s’ouvre en même temps que cette rétrospective. L’Université de Lausanne s’est associée au projet en participant à la rédaction d’un important ouvrage qui lui est dédié. Et nous éditons enfin, simultanément, un coffret DVD qui inclut à la fois les films restaurés et des documents inédits de la RTS.Quand il part en 1953 avec sa caméra Bolex-Paillard et l’un des tout premiers enregistreurs Nagra pour filmer (et photographier) les «nomades du soleil», il s’inscrit dans une longue lignée de réalisateurs-explorateurs nés avec les débuts du cinématographe. Mais, à l’instar de Jean Rouch, avec son regard attentif, son sens de l’écoute, son empathie, Brandt se révèle également un véritable cinéaste, cherchant à transcrire la vérité de l’autre, bien loin des regards coloniaux de jadis.Quand il est retenu pour participer à l’Exposition nationale suisse en 1964 à Lausanne, avec la création du pavillon «La Suisse s’interroge», il parvient, malgré les innombrables contraintes imposées par la Confédération, à maintenir le cap de son indépendance et de son regard critique sur le monde moderne. Les cinq courts métrages qu’il réalise à cette occasion demeurent d’ailleurs incroyablement pertinents aujourd’hui.Ce parcours-installation a non seulement été vu par plus de 2 millions de visiteurs, mais a également marqué des générations entières et montré à tous la puissance expressive, symbolique et politique de la création cinématographique. Il n’y a pas de doute que l’apport de Brandt à l’Expo 64, tout comme le succès en 1961 de Quand nous étions petits enfants, primé au Festival de Locarno, forment deux étapes clés dans le processus de développement du Nouveau cinéma suisse. Et même si sa carrière s’est déroulée un peu à part de ce cinéma renaissant, il est indispensable aujourd’hui de reconnaître son influence et son véritable apport à «notre» cinéma.
Frédéric Maire
Un coffret de 4 DVD
Edité à l’occasion des 100 ans de la naissance d’Henry Brandt et de l’exposition que lui consacre le Musée d’art et d’histoire et de Neuchâtel, ce coffret DVD réunit 16 films et émissions TV, numérisés et restaurés par la Cinémathèque suisse, la RTS et le Département audiovisuel de la Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds. Une curiosité insatiable, un humanisme sincère et une volonté de témoigner des problématiques de son temps imprègnent toute la filmographie de Brandt, marquée à la fois par d’intenses voyages — Les Nomades du soleil (1955), Voyage chez les vivants (1970) — et un ancrage profond en terre helvétique — Quand nous étions petits enfants (1961), Les Hommes de la montre (1964), sans oublier La Suisse s’interroge, installation qui fit sensation à l’exposition nationale de 1964 et qui demeure son œuvre manifeste, toujours d’actualité.Si Henry Brandt est l’invité des plateaux de télévision à l’occasion de la sortie de ses films, il réalise également plusieurs reportages pour la Télévision suisse romande, comme une incursion au sein d’une maison communautaire à Genève en 1973, ou encore le portrait croisé et intime de Corinna Bille et Maurice Chappaz. Des films et des perles télévisuelles réunis dans un seul coffret pour (re)découvrir cette personnalité majeure du septième art helvétique.
En vente sur www.cinematheque.ch/boutique