Le nouveau cinéma nordique

Le nouveau cinéma nordique

En janvier et février, une large rétrospective met à l’honneur le renouveau cinématographique à l’œuvre, depuis les années 2000, dans les pays nordiques, du Danemark à l'Islande, en passant par la Suède, la Norvège et la Finlande. En marge, les projections spéciales de films de cinéastes fondateurs: le Suédois Roy Andersson avec deux de ses fictions et le Danois Carl Theodor Dreyer avec Ordet, récemment restauré.

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Après Dogme95: le nouveau cinéma nordique

En 1995, Lars von Trier et Thomas Vinterberg proclamaient la naissance du mouvement Dogme95 et rédigeaient, contre les produits cinématographiques formatés, un manifeste d’opposition radicale à l’esthétique d’Hollywood et des vieilles avant-gardes. Grâce au succès des Idiots et de Festen, présentés au Festival de Cannes en 1998, le cinéma danois se retrouve sous le feu des projecteurs et contribue à créer un terrain fertile pour une nouvelle génération de cinéastes venant du Nord. En 2009, l’adaptation du premier volet de la trilogie littéraire Millenium de Stieg Larsson, une coproduction suédo-danoise, est l’un des événements de l’année. Ces deux moments s’inscrivent dans l’histoire récente du cinéma d’Europe du Nord comme éléments clés du renouveau de ses cinématographies.La culture scandinave bénéficie aujourd’hui d’une visibilité qui traverse les frontières. Ce mouvement concerne aussi le monde du cinéma et nombreux sont les facteurs constitutifs de cette réussite. La création, à partir des années 1970, d’institutions étatiques pour le soutien à une production audiovisuelle nationale très diversifiée et une politique de coproduction entre les pays nordiques contribuent l’une et l’autre au développement de cette industrie cinématographique. Entre les années 1980 et 1990, à côté du travail de cinéastes qui s’imposent progressivement sur la scène internationale (Bille August, Lasse Hallström, Roy Andersson, Anja Breien, Aki Kaurismäki, Lars von Trier, entre autres), des producteurs danois et suédois formés à Hollywood développent de nouveaux projets de séries pour la télévision – pour la plupart des adaptations de polars nordiques – et encouragent l’éclosion d’une nouvelle génération de scénaristes, réalisateurs et acteurs. Avec le succès planétaire de Millenium, la littérature policière scandinave – des fondateurs Sjöwall et Walhöö en passant par Mankell, Nesbø, Staalesen, jusqu’aux Läckberg, Sveistrup, Paasilinna, Holt ou Indridason – s’impose au grand public international. En parallèle, des séries comme The Killing, The Bridge, Real Humans ou Borgen s’exportent partout dans le monde. A partir des années 2000, le succès de ces séries accroît la diffusion du cinéma nordique et permet à son industrie d’investir dans des productions « mainstream» qui conservent leur identité propre, tout en donnant la possibilité à des jeunes cinéastes de progresser et d'expérimenter un cinéma personnel, percutant et innovant.Loin des idées préconçues, cinéma et productions pour le petit écran s’influencent et se nourrissent mutuellement: beaucoup de cinéastes nordiques (Lars von Trier, Lone Scherfig, Susanne Bier, Sólveig Anspach, Thomas Vinterberg, Baltasar Kormákur, Nicolas Winding Refn) et quelques acteurs et actrices emblématiques (Mads et Lars Mikkelsen, Stellan et Alexander Skarsgård, Sidse Babett Knudsen, Nikolaj Coster-Waldau, Olafur Darri Olafsson, etc.) travaillent entre l’Europe et Hollywood, entre cinéma d’auteur et blockbusters, en contribuant de cette manière à la popularisation et à la reconnaissance de ce «cinéma venu du froid».

Chicca Bergonzi

Danemark

Après quelques succès internationaux de films danois dans les années 1980 (Pelle le Conquérant de Bille August, Le Festin de Babette de Gabriel Axel), le mouvement Dogme95, proclamé officiellement en 1995, contribue à l’affirmation de cinéastes tels que Thomas Vinterberg ou Susanne Bier, et joue un rôle central dans la promotion du cinéma nordique. Si l’expérience de Dogme95 s’épuise en peu de temps, elle éveille des nouvelles vocations et voit naître une nouvelle génération de cinéastes à partir des années 2000 (Nicolas Winding Refn, Anders Thomas Jensen).

Finlande

A partir des années 1980, le cinéma des frères Kaurismäki témoigne d’un point de rupture avec le septième art traditionnel finlandais, et manifeste un nouvel intérêt pour le cinéma social et anticonformiste. Malgré la reconnaissance internationale à l’égard de l’œuvre des Kaurismäki, ce cinéma peine à se faire connaître au-delà des frontières. C’est seulement depuis quelques années que de jeunes réalisateurs, dignes héritiers des deux célèbres frères, pointent timidement leur nez sur la scène internationale à l’instar de Juho Kuosmanen et Teemu Nikki.

Islande

Caractérisé par la nature particulière de sa production, qui relève plus de l’artisanat que de l’industrie, le cinéma islandais connaît un succès grandissant à partir des années 2000 grâce à des cinéastes comme Sólveig Anspach et ses coproductions avec la France, ou Baltasar Kormákur, qui alterne entre des productions nationales et des grosses productions américaines. Aujourd’hui, le cinéma militant, écologiste, lyrique et profondément humain de Benedikt Erlingsson, Dagur Kári, Grímur Hákonarson ou Rúnar Rúnarsson est régulièrement primé dans les grands festivals internationaux.

Norvège

Comme le cinéma danois, le cinéma norvégien des vingt dernières années doit une partie de son succès à la notoriété de certains acteurs et actrices scandinaves: de Liv Ulmann – passée derrière la caméra – à Stellan Skarsgård (Un chic type, Refroidis) et ses nombreux enfants acteurs, jusqu’à Nikolaj Coster-Waldau (Headhunters). A côté d’un registre classique ou de genre, entre comédie et film noir, des nouveaux auteurs tels que Joachim Trier ou Ole Giæver se focalisent sur un cinéma plus intimiste, introspectif et poétique.

Suède

A l’exception de quelques rares cinéastes – Lasse Hallström, récupéré par la machine hollywoodienne dans les années 1980, et Roy Andersson avec 6 longs métrages à son actif sur plus de cinquante ans –, difficile pour la production suédoise de s’affranchir du lourd héritage laissé par Ingmar Bergman. Au détour du nouveau siècle, le succès de Lukas Moodysson laisse entrevoir un frémissement nouveau. Dix ans plus tard, l’affirmation internationale du cinéma de Ruben Ostlund ouvre enfin la voie à des auteurs aux parcours uniques et aux styles très personnels (Anna Odell, Milad Alami).