Rétrospective Roberto Rossellini

Rétrospective Roberto Rossellini

En mars et avril, la Cinémathèque suisse propose, en partenariat avec les Rencontres 7e Art Lausanne, de revisiter la filmographie du cinéaste italien Roberto Rossellini, à la fois maître canonisé du néoréalisme, témoin attentif de son époque, chroniqueur d'événements et de grandes figures qui ont changé le cours de l'Histoire, et, bien sûr, conteur passionné mettant en scène Ingrid Bergman, sa muse et épouse.

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Redécouvrir le cinéma de Rossellini

A l’occasion de la ressortie de quelques classiques de Roberto Rossellini restaurés et numérisés, il nous a semblé important de reparcourir sa filmographie. Le texte suivant, écrit par Freddy Buache dans les années 1990, est encore aujourd’hui un point de départ, à la fois élogieux et critique, pour aborder l’œuvre du père du néoréalisme.Chicca BergonziNé le 8 mai 1906, à Rome, Roberto Rossellini est mort dans cette même ville, le 3 juin 1977, quelques jours après le Festival de Cannes où, président du jury, toujours sur la brèche, il paraissait en pleine forme, exposant d’innombrables projets tout au long des colloques suscités par lui pour donner à la manifestation un caractère autre que celui d’une simple exhibition de films. D’ailleurs, le palmarès, incompris, porta la marque de sa personnalité: Rossellini, brutalement, a fait reconnaître que Padre Padrone des Frères Taviani (tourné en 16mm, sans vedettes) est un acte neuf dans le contexte d’un art momifié, tandis que les autres spectacles répétaient plus ou moins bien les figures du cinéma de la routine industrielle. Et la routine, c’est ce qu’il a sans cesse voulu briser, surtout après ses débuts sous le fascisme (qu’il ressentait comme insupportablement routinier), réalisant Roma città aperta dans la rue avec des bobines de pellicule invendables parce que trop vieilles. Ainsi créait- il, parallèlement à Visconti, le néoréalisme. Mais l’option politique de ce mouvement ne pouvait satisfaire cet homme profondément préoccupé de spiritualité (...). D’où Atti degli Apostoli (1969) ou Il messia (1975) pour la télévision, d’où le voyage aux Indes en 1958 (India Matri Bhumi, sorti en 1960).A son retour, avant ll generale della Rovere (1959) qui redora son blason pour les producteurs, il vint une semaine à Lausanne, invité par la Cinéma- thèque suisse, présentant plusieurs de ses films, en particulier Giovanna d’Arco al rogo (1954, oratorio de Claudel et Honegger, avec Ingrid Bergman) parlant de la civilisation orientale où l’on vit drapé (donc libre de son corps) en face de l’occidentale où le costume est seyant comme un uniforme, cousu. La philosophie de l’existence, pour lui, développait cette différence fondamentale entre les «drapés» et les «cousus», entre l’amour fraternel rayonnant et les nécessitées de l’organisation sociale. D’où ses téléfilms, d’où l’œuvre sur Marx qu’il préparait au moment de sa mort et dans laquelle, porté par sa jeunesse de cœur, il espérait s’exprimer tout entier. Le rêve s’est rompu, laissant une filmographie inégale, mais aussi l’exemple rare d’une intelligence vulnérable par générosité, d’un effort constant pour montrer et rendre aux hommes leur digne pouvoir de tendresse et de lutte. Car si certains films de Rossellini, probablement, affrontent mal une survie parmi les chefs-d’œuvre (mis à part Francesco giullare di Dio et L’amore, et bien évidemment Roma città aperta et Paisà, ainsi que pour la télévision La Prise du pouvoir par Louis XIV), son rôle d’éveilleur cordial toujours prêt à prendre des risques demeure capital autant que gênant.

Freddy Buache, extrait de l’ouvrage Le cinéma italien 1945–1990

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