Pionnières du cinéma suisse

Pionnières du cinéma suisse

Retour sur les œuvres des premières réalisatrices suisses avec des courts, moyens et longs métrages tournés durant les trois dernières décennies du XXe siècle. En ouverture de ce cycle, la projection d'un documentaire sur l'amitié entre la Valaisanne Carole Roussopoulos, pionnière de la vidéo et féministe, et l’actrice Delphine Seyrig.

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Pionnières

Aujourd’hui, le cinéma suisse peut s’enorgueillir du succès de réalisatrices comme Ursula Meier, Bettina Oberli, Jeanne Waltz, Petra Volpe, Andrea Staka, Véronique Reymond et Stéphanie Chuat, Séverine Cornamusaz, Stina Werenfels, Anna Luif, Milagros Mumenthaler ou Sabine Boss; et cela sans compter les innombrables auteures de films documentaires. Mais quand le Nouveau cinéma suisse a commencé à voir le jour, au mitan des années 1960, il ne semblait hélas exister qu’au masculin. Et pourtant une importante cohorte de femmes cinéastes se développe, au même moment, en particulier dans le sillage des mouvements féministes.En collaboration avec la Cinémathèque suisse, les Journées cinématographiques de Soleure – sous l'impulsion de leur directrice d'alors Anita Hugi – ont initié en 2019 une série d’actions et de programmes historiques visant à remettre en lumière ces créatrices. Un «Edit-a-thon» a été mis en place en janvier 2020 pour enrichir ou créer des pages Wikipédia dédiées à des réalisatrices suisses. Une série d’interviews vidéo de réalisatrices, intitulée «Her Story Box», a aussi été réalisée en juin avec six d’entre elles (Gabriel Baur, Yvonne Escher, Lucienne Lanaz, Gertrud Pinkus, Marianne Pletscher et Tula Roy), avec la participation de la HEAD de Genève et de la ZHdK de Zurich, dans le cadre de l’exposition «Femmes.Droits | Du siècle des Lumières à nos jours» au Musée national suisse à Zurich. Enfin, à Soleure, en janvier, un dernier programme baptisé «Par-delà les frontières» mettait en lumière le travail de Cristina Perincioli, Anne-Marie Miéville, Loretta Verna, Gisèle Ansorge et Danielle Jaeggi dont la Cinémathèque suisse présente ici le premier long métrage, La Fille de Prague avec un sac très lourd (1978), qu'elle a restauré pour l’occasion.En Suisse, à partir des années 1960, un grand nombre de femmes cinéastes s’affirme dans le documentaire: comme s’il était avant tout indispensable de témoigner, au féminin, des réalités de la vie des femmes dans un monde qui s’émancipe. En Suisse romande, l’une des premières à se faire connaître est bien sûr la Vaudoise Jacqueline Veuve qui, dans sa réflexion permanente sur les traditions et les mutations du monde, ne manquera jamais l’occasion de s’affirmer dans la lutte des femmes pour les femmes. De la même façon la Valaisanne Carole Roussopoulos, montée à Paris, caméra vidéo au poing, sera de tous les combats. Avec une figure qui les réunit, toutes les deux: la comédienne et cinéaste Delphine Seyrig, qu’elles vont toutes deux côtoyer et filmer. Lucienne Lanaz ou Anne Cuneo viendront bientôt les rejoindre. Quant à la Suisse alémanique, outre Reni Mertens et Marlies Graf, il faut citer June Kovach ou Tula Roy.Du côté de la fiction, il est frappant de constater que les réalisatrices auront plus de difficulté à s’imposer, comme si les producteurs étaient plus réticents à leur confier les moyens nécessaires à ce type de productions plus lourdes. Mais, là encore, elles ont marqué notre cinéma, en particulier la regrettée Patricia Moraz qui réalise en 1977, Les Indiens sont encore loin, présenté la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, suivi par Le Chemin perdu, ou encore Danielle Jaeggi, Gertrud Pinkus, Paule Muret, Léa Pool, Patricia Plattner, à qui nous avons récemment rendu hommage, ou Dominique de Rivaz – qui sera prochainement l’invitée de notre institution.

Frédéric Maire

Les autres films de la rétrospective

Qu'ils soient documentaires ou fictionnels, ces récits partagent un goût prononcé pour les destins individuels révélateurs du contexte social auquel ils sont liés. Intégration et immigration (Wer einmal lügt oder Viktor und die Erziehung, Il valore della donna è il suo silenzio), militantisme (Le Chemin perdu), culturalisme (La Fille de Prague avec un sac très lourd) ou encore féminisme (Delphine Seyrig, portrait d’une comète): des pionnières aux réalisatrices d’aujourd’hui, le cinéma suisse au féminin s’impose comme le reflet culturel de son époque.

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