Rétrospective Douglas Sirk

Rétrospective Douglas Sirk

En partenariat avec le Festival de Locarno et sous la direction de Bernard Eisenschitz et Roberto Turigliatto, une rétrospective consacrée à l’œuvre de Douglas Sirk est au programme de la rentrée. Un livre, récemment coédité par la Cinémathèque suisse, sera verni lors d'une double projection en présence de son auteur.

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Du mélodrame au cinéma total

Douglas Sirk n’est plus l’inconnu de l’histoire du cinéma qu’il est resté pendant toute son activité. On a reconnu en lui, depuis longtemps, le maître du mélodrame américain; son point de vue critique sur les Etats-Unis, sa sensibilité féministe, ont été analysés. Avec le recul, on découvre une productivité et une diversité étonnantes: 40 films en vingt-cinq ans, avec au milieu une interruption de quatre ans due à l’exil.

Douglas Sirk s’appelait encore Detlef Sierck quand il a commencé à mettre en scène au théâtre, juste après la Première Guerre mondiale. A 25 ans à peine, ce surdoué prend la direction du théâtre de Chemnitz, puis de Brême et de Leipzig, où il chapeaute la programmation et met en scène lui-même, certaines années plus d’une pièce par mois. Son travail scénique va irriguer tout son art. Il va transposer au cinéma le meilleur de son expérience, et n’oubliera jamais que la mise en scène est au cœur du spectacle. Comme Cukor, Visconti, Bergman, Ophüls, c’est à partir de, et avec, son bagage de théâtre que Sirk sera cinéaste.

Il se plonge dans le cinéma avec une fureur de travail: 7 longs métrages en trois ans pour la UFA. Le meilleur, Schlussakkord (1936), est un mélodrame, qui appose déjà sa signature sur le genre. Enfin, il crée la star internationale qui manque à l’Allemagne après 1933: Zarah Leander. Mais, en cette année 1937, Goebbels met la main sur la UFA, qui sera désormais au service de l’Etat nazi. Sierck est attaqué pour avoir épousé une femme juive. Plutôt que d’être contraint aux compromis, il décide de partir avec elle. Le couple a un but, l’Amérique. Après une errance de deux ans à travers l’Europe, une fois arrivés en Californie, Douglas Sirk (son nouveau nom) et sa femme tiennent une ferme et vivent à l’écart du cinéma. En 1943, un groupe d’exilés fait appel à lui pour diriger Hitler’s Madman (1943) et son activité de cinéaste reprend. Le temps de 3 films – Summer Storm (1944), A Scandal in Paris (1946), Lured (1947) –, il croise son acteur idéal, George Sanders. Dans un second mouvement, il s’intéresse à la réversibilité des relations humaines, avec Shockproof (1949) et le grand film méconnu qu’est The First Legion (1951).

Après l’échec d’une tentative de retour en Allemagne en 1949, il connaît un nouveau tournant. Au lieu de l’indépendance, Sirk cherche la discipline d’un studio pour se construire un espace de liberté. Il le trouve dans le plus petit des majors, Universal. Il y devient «une sorte de réalisateur maison», travaillant à la commande un peu comme en Allemagne, où il pouvait monter une quinzaine de pièces dans la saison: 6 films en un an et demi (1951 à 1953), 21 en huit ans.

De film en film, cet immigrant capture, comme peu l’ont fait, l’esprit et l’autoreprésentation du pays, jusque dans ses tares: bigoterie, misogynie, culte de l’argent, mépris de classe, racisme... Ses plus beaux personnages sont des marginaux: Rock Hudson dans All That Heaven Allows (1956), les aviateurs dans The Tarnished Angels (1957), la métisse Susan Kohner dans Imitation of Life (1959). Si on ajoute Written on the Wind (1956) et A Time to Love and a Time to Die (1958), on a le sommet de son parcours hollywoodien, au terme duquel il tient à retrouver l’Europe.

Bernard Eisenschitz, co-curateur de la rétrospective

Les autres films de la rétrospective

Cette sélection de longs métrages propose un aperçu de sa production allemande signée Detlef Sierck, son nom de naissance. Elle se focalise toutefois sur les années qui ont suivi sa fuite du régime nazi en direction des Etats-Unis. Durant cette «période américaine», Sirk travaille pour les plus grands studios hollywoodiens et développe son style en plaçant les émotions au centre de ses préoccupations. Le goût du cinéaste pour les grands récits dramatiques et sentimentaux conduira la critique à le considérer comme le «maître du mélodrame».

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