Rétrospective Brian De Palma
Pendant deux mois, la Cinémathèque suisse propose une large rétrospective de l’œuvre de Brian De Palma, ainsi que le vernissage d’un livre autobiographique de Paul Hirsch, monteur attitré du cinéaste au début de sa carrière, qui vient présenter trois films sur lesquels il a œuvré : le premier volet de Stars Wars, Carrie et Source Code.
Les variations infinies de Brian De Palma
Pendant ses études scientifiques à New York, à la fin des années 1950, Brian De Palma, déjà passionné par Hitchcock, Welles, Kubrick et le cinéma classique américain, découvre le cinéma européen – la Nouvelle Vague, le Free Cinema, le cinéma italien –, en fréquentant le milieu artistique en pleine effervescence de la Big Apple, et décide ainsi de se consacrer au théâtre et au septième art. Après quelques courts métrages, il coréalise en 1964 The Wedding Party, premier rôle au cinéma pour Robert de Niro, qui jouera aussi dans Greetings (Ours d’argent à Berlin en 1969), puis, en 1970, dans Hi, Mom!.
Grâce à Greetings, le jeune De Palma est appelé à Hollywood pour tourner Get to Know Your Rabbit avec Welles, mais il est renvoyé par la Warner Bros. et perd tout contrôle sur le film, traumatisme qui inspirera plus tard son Phantom of the Paradise, parodie satirique horror-rock de l’industrie hollywoodienne. A Los Angeles, il fréquente les jeunes réalisateurs du Nouvel Hollywood (Spielberg, Scorsese, Coppola et Lucas), et malgré son échec avec la Warner, il réussit à tourner Sisters qui obtient un discret succès et marque un tournant dans sa carrière. Entre film d’horreur et thriller, c’est le premier d’une série d’hommages à Hitchcock et de relectures de ses films, dont certains – Psycho, Vertigo, Rear Window principalement – sont pour De Palma un modèle de départ et un archétype, outils d’apprentis- sage et d’étude (Obsession, Dressed to Kill) jusqu’au dépassement (Body Double, Raising Cain, Femme fatale). Ces films lui permettront d’illustrer et de développer certains des sujets centraux de son cinéma: le voyeurisme, le double et l'allégorie dans l'image.
Après le succès de Carrie et de The Fury, c’est un De Palma marqué par l’histoire américaine plus récente (la guerre du Vietnam, les assassinats de Kennedy et Luther King, le Watergate) qui s’affirme dans Blow Out. Inspiré par Blow-Up d’Antonioni et par The Conversation de Coppola, le film témoigne d’un attachement au cinéma politique de la part du cinéaste, exprime sa volonté de dénonciation de l’establishment et fait preuve d’un esprit critique vis-à-vis de la société américaine et de ses institutions. Corruption, cupidité, pouvoir, complot, manipulation des images seront ainsi d’autres sujets abordés tout au long de sa carrière (The Bonfire of the Vanities, Mission: Impossible, Snake Eyes, Redacted).
En 1983, il tourne Scarface, remake du film d’Howard Hawks, écrit par Oliver Stone avec Al Pacino, mal reçu à l’époque de sa sortie, mais devenu culte depuis. L’occasion pour lui d’étudier et de décomposer le film noir et le film de gangsters, revisités et déclinés ensuite dans The Untouchables, Carlito’s Way ou The Black Dahlia.
Cinéphile hors pair souvent incompris, accusé parfois d‘être un imitateur et un pilleur, De Palma est devenu aujourd’hui à son tour une source d’inspi- ration pour les nouvelles générations. Son œuvre est une invitation à voyager à travers l’histoire du cinéma et ses genres. Comme des poupées russes, ses récits s'emboîtent les uns dans les autres et nous rappellent que l’art n’est qu’un éternel recommencement.
Chicca Bergonzi
Les autres films de la rétrospective
Expérimentateur hors pair, Brian De Palma est l'auteur d'une filmographie visionnaire bâtie au sein même de l'industrie hollywoodienne. Qu'ils soient majeurs ou mineurs, inscrits dans le cinéma de genre, le thriller ou la comédie, ses films ont en commun un sens exacerbé du style. Chez ce grand cinéaste maniériste, tout est question de regard, à tel point que la mise en scène raconte davantage le film que la narration. Dans cette logique, deux thèmes récurrents parcourent son œuvre: le voyeurisme et le rôle manipulateur de l'image.