Rétrospective Dominique de Rivaz
Au mois d'octobre, le nouveau documentaire de Dominique de Rivaz, Un selfie avec Anton Tchekhov, est projeté en avant-première, en présence de la réalisatrice suisse et en marge d'une sélection de ses longs, moyens et courts métrages des années 1980 à aujourd'hui.
Les longs et moyens métrages
La filmographie de Dominique de Rivaz se caractérise par les liens qu’elle entretient avec d’autres arts comme la littérature, le théâtre ou la peinture. Véritable touche-à-tout, la cinéaste intègre ses intérêts multiples à chacun de ses films, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires. Cette sélection de longs et moyens métrages témoigne également de la diversité des genres cinématographiques auxquels elle s’est essayée: film d’époque (Mein Name ist Bach), fable philosophique (Luftbusiness), portraits filmés d’artistes ou encore essai cinématographique (Elégie pour un phare).
Vent d’Est
Partageant sa vie entre Berne et Berlin, avec un cœur tourné vers l’Est, et une passion pour l’imaginaire, Dominique de Rivaz est sans doute l’une des figures les plus importantes du cinéma et de la culture en Suisse. La Cinémathèque suisse est très heureuse de l’accueillir pour une rétrospective de son travail de réalisatrice à l’occasion de la première de son nouveau film, Un selfie avec Anton Tchekhov.
Née en 1953 à Zurich, d’origine à la fois valaisanne et italienne, Dominique de Rivaz a connu très tôt la célébrité: en 1978, participant à l’émission La Course autour du monde, son visage et surtout ses films courts tournés en Super 8 font, pendant plusieurs mois, les belles heures des télévisions francophones. A son retour, elle travaille au service de presse du CICR et au service photo du magazine L’Hebdo. Mais, contraire- ment à certains de ses collègues, qui, course terminée, ont persévéré dans le journalisme, Dominique de Rivaz retourne derrière la caméra.
En 1985, elle signe son premier court métrage, Aélia, une fiction en noir et blanc située au Moyen Âge qui raconte l’amour interdit d’une femme éprise d’un gisant de granit. Ce film «onirique, mystique, dont chaque plan est une peinture, une composition de chair et de pierre» (pour Les Cahiers du cinéma) va faire le tour du monde des festivals et remportera le prix du public au Festival de Clermont-Ferrand. Après un documentaire consacré à Georges Borgeaud, elle signe une deuxième fiction courte, Le Jour du Bain, présentée au Festival de Locarno en 1995, saisissante évocation du massacre des juifs ukrainiens à Babi Yar, en 1941, vue à travers le destin d’une femme, Lena, incarnée par Ingvild Holm.
Puis, elle retourne au documentaire en cosignant avec Jacqueline Veuve une Balade fribourgeoise (1997), suivie par un hommage à Jean Rouch coréalisé avec Lionel Baier, Mon père c'est un lion (2002). Elle se lance alors dans l’aventure de son premier long métrage de fiction, Mein Name ist Bach, film historique et en costumes où elle raconte la rencontre en 1747 entre le compositeur vieillissant et le jeune roi de Prusse Frédéric II. Un duel psychologique et musical entre deux monstres, et une guerre des clans entre musique et pouvoir, traités non sans humour, qui remporte le Prix du cinéma suisse en 2004.
Elle revient ensuite au documentaire en signant, en 2005, un émouvant hommage à Jacqueline Veuve (Chère Jacqueline). Suivi, en 2008, par son deuxième long métrage de fiction, Luftbusiness, récit faustien de trois jeunes marginaux qui vendent sur internet leur âme, et qui vaudra à l’acteur Dominique Jann un Prix du cinéma suisse. Suivront un portrait pour la télévision du cinéaste Claude Goretta, ainsi que, en 2013, l’essai poétique tourné dans le Grand Nord russe, Elégie pour un phare.
Dominique de Rivaz poursuit en parallèle une remarquable carrière de photographe et d’auteure, avec plusieurs ouvrages publiés aux éditions Buchet-Chastel, Zoé ou Noir sur Blanc, dont récemment Kaliningrad, la petite Russie d’Europe, magnifique témoignage sur cette enclave russe en Europe, située, aujourd’hui comme hier, au centre de grandes tensions géopolitiques.
Frédéric Maire
Les courts métrages
Faisant écho à sa production de longs et de moyens métrages en ce qu’ils jouent avec la frontière entre documentaire, essai filmique et fiction, les courts métrages de Dominique de Rivaz accordent tous une place centrale à la poésie et à la mémoire. Un récit empreint de mysticisme (Aélia), un hommage à des lieux disparus (Surmatants), un portrait de Jean Rouch, un essai poétique (Bubble Wrap) ou encore un hommage aux victimes de la Seconde Guerre mondiale (Le Jour du bain) constituent différents exemples de l’importance du format court dans l’œuvre de la cinéaste.