Les films Gaumont en diffusion
Société de production et de distribution historique dans l’histoire du cinéma mondial, Gaumont restaure progressivement son patrimoine depuis quelques années. Une belle occasion pour la Cinémathèque suisse de revaloriser des œuvres importantes à travers son catalogue de diffusion.
Le secteur diffusion de la Cinémathèque suisse contribue à l’enrichissement de ses collections, tout en valorisant en salles le cinéma de patrimoine, ainsi que les films contemporains n’ayant pas trouvé de distributeur sur le territoire suisse. Dans ce cadre et compte tenu des bonnes relations entretenues par notre institution avec Gaumont qui effectue un immense travail de restauration de ses collections, il paraissait important de pouvoir représenter des œuvres de cette doyenne de la production cinématographique et de faciliter un retour en salle de quelques films restaurés des cinéastes qui ont bâti sa réputation.
Mais quelle difficulté de se limiter à une sélection d’une dizaine de titres pour faire état d’un catalogue aussi vaste et représentatif d’un cinéma national que celui de Gaumont. La sélection effectuée représente subjectivement trente ans de cinéma français, de l’entre-deux-guerres au début des années 1960. Un voyage à travers un cinéma français qui glisse du réalisme poétique – premier grand courant depuis la propagation du cinéma parlant (Zéro de conduite et L’Atalante de Jean Vigo) – vers un réalisme psychologique (Douce de Claude Autant-Lara, scénarisé par Pierre Bost et Jean Aurenche) lui emboîtant le pas à l’aune de la Seconde Guerre mondiale. Un courant généralisé durant la période dite de la Qualité française qui décline, dès le milieu des années 1950, pour laisser place aux prémices de la Nouvelle Vague (Le Feu Follet de Louis Malle se situant entre ces deux tendances).
Prenant place dès 1945, cette période du cinéma restera synonyme d’excellence pour le système de production français jusque dans le milieu des années 1950. Elle constitue une approche d’un cinéma très maîtrisé et rigoureux, tourné majoritairement en studio, et dans laquelle les scénaristes et les techniciens (chefs opérateurs, costumiers, décorateurs) jouent un rôle primordial.
Cette approche perd ensuite ses lettres de noblesse, fustigée par une jeune génération de cinéastes – souvent rompus à l’exercice critique par leur passage dans Les Cahiers du cinéma – voulant se démarquer de l’arrière-garde et qui formeront la Nouvelle Vague, à l’instar de François Truffaut et de son fameux plaidoyer en faveur d’une distanciation de cette Qualité française, «Une certaine tendance du cinéma français», paru dans le numéro de janvier 1954 des Cahiers du cinéma. Mais au-delà des appartenances et classifications, le présent cycle de films permet avant tout d’explorer des œuvres de réalisateurs qui ont marqué un pan de l’histoire du cinéma par le prisme d’une maison de production iconique.
Romain Holweger