Georges Simenon: de la plume à l'écran

Georges Simenon: de la plume à l'écran

Retour sur quelques-unes des innombrables adaptations au cinéma de l’œuvre du romancier Georges Simenon à l’occasion du festival Lausan’noir et du vernissage d’un ouvrage. Des générations de cinéastes très inspirés par les polars de l’écrivain belge, passé maître dans l’art de sonder l’âme humaine et qui fit de Lausanne sa dernière résidence.

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Le festival Lausan’noir fête le polar

Du 2 au 4 juin 2023, le festival Lausan’noir propose au Théâtre 2.21 à Lausanne des rencontres et dédicaces avec plus de trente auteurs de polar suisses, de Nicolas Feuz à Christine Pompéï, ainsi que des pièces de théâtre et diverses animations conviviales pour toute la famille. La Cinémathèque suisse s’associe à l’événement en proposant deux cycles de films en lien avec l’univers du polar et du roman noir : « Georges Simenon, de la plume à l'écran» et «Sherlock Holmes et Dr Watson, détectives au cinéma».

Le polar mérite bien un festival en Suisse romande. De Nicolas Feuz à Olivia Gerig, de Marlène Charine à Laurence Voïta, les romans à suspense sont plébiscités par les auteur·e·s comme par un large lectorat. Durant trois jours, le festival Lausan’noir 2023 fait ainsi sa fête au roman noir, au suspense, aux enquêteurs et autres inspectrices malignes et aventureuses. Du 2 au 4 juin, plus de trente auteur·e·s suisses dans l’actualité sont attendus au Théâtre 2.21 à Lausanne pour des discussions, débats et séances de dédicaces.

L’occasion de retrouver des voix familières, telles que celles de Raphaël Guillet, Marie-Josée Imsand, Jean-François Haas, Xavier «Aliose» Michel ou Bernard Chapuis, mais aussi de faire la découverte de nouvelles plumes prometteuses, à l’instar de celles de Noémie Charmoy, François Félix ou Cyril Nghiem. La famille BSN Press répond présent avec un tir groupé composé de Nicolas Verdan, Antonio Albanese, Jean-Jacques Busino, Michel Bory et Alain Bagnoud, lauréat du Prix du polar romand 2022. Le polar régional sera représenté par des auteurs comme Christian Dick, Reto Steffen et Laurent Eltschinger. Côté jeunesse, plusieurs auteurs de la collection «Frissons suisses» sont annoncés, ainsi que la star de la littérature à suspense des jeunes romands, Christine Pompéï, auteure des Enquêtes de Maëlys. Rendez-vous le 2 juin au soir pour la soirée d’ouverture et la remise du Prix du polar romand 2023.

Seront également au programme les pièces de théâtres courtes lauréates du concours d’écriture lancé par l’Espace Mont-Blanc, ainsi que diverses animations en continu: l’Atelier Typo de la Cité, sous la houlette de Nicolas Regamey, proposera la démonstration d’une presse typo- graphique historique et imprimera en direct la Gazette du Crime. Le salon «Sherlock Holmes» invitera, autour d’une tasse de thé, à découvrir la créature de Conan Doyle grâce à Vincent Delay et l’équipe du Musée Sherlock Holmes à Lucens. Des promenades à thème partiront du festival sur les traces de l’inspecteur Perrin, avec son créateur Michel Bory, et du mythique inspecteur Traclette.

De l’écrit au grand écran, il n’y a enfin qu’un pas que franchit allègrement la Cinémathèque suisse, en proposant une double programmation Georges Simenon et Sherlock Holmes. L’occasion de découvrir, ou redécouvrir, les adaptations les plus marquantes, ou originales, de ces maîtres du suspense.

Isabelle Falconnier, déléguée à la politique du livre de la Ville de Lausanne et responsable de la programmation de Lausan’noir

Simenon sur grand écran

Auteur de près de 200 romans (sans compter ceux publiés sous ses vingt-sept pseudonymes), Georges Simenon, qui s’est installé peu après sa période américaine dans le canton de Vaud où il vécut jusqu’à sa mort, est sans doute l’auteur francophone ayant fait l’objet du plus grand nombre d’adaptations filmiques pour le grand et le petit écran, du moins si l’on comptabilise toutes les séries faisant intervenir le personnage de Maigret, célébrissime inspecteur grâce auquel le romancier belge est devenu indissociable du genre policier. Le succès rencontré auprès des adaptateurs s’explique en partie par un portrait riche et nuancé de personnages (souvent masculins) saisis à la fois dans leur environnement social, à travers leurs expériences passées et dans leurs aspirations ou insatisfactions intimes, ainsi que par une mise en scène très précise de situations perceptives travaillées avec les procédés propres à l’écriture romanesque.

La rétrospective proposée en mai et juin par la Cinémathèque suisse, en collaboration avec Lausan’noir et le Centre d’études cinémato- graphiques (CEC) de l’Université de Lausanne, comprend certes deux jalons de l’histoire de Maigret à l’écran, mais elle met surtout l’accent sur un versant de l’œuvre simenonienne habituellement désigné par le terme de «romans de la destinée». Ces derniers présentent un personnage principal qui traverse une crise le conduisant à se découvrir lui-même – on pense par exemple à la bifurcation qu’opère au sein d’une seule nuit le personnage d’Antoine (Jean-Pierre Darroussin) dans Feux rouges (2004) de Cédric Kahn (l’intrigue du roman américain est déplacée en France). L’ambiance, dans de tels films, n’en est pas moins «noire», et coïncide avec l’inclination du cinéma français qui, de 1930 à 1960, a privilégié le réalisme psychologique, les références allusives à la sexualité, une certaine forme de sordide et les «atmosphères».

Mais au-delà de films réalisés par Duvivier, Decoin ou Autant-Lara, la programmation intègre également des productions ultérieures moins soumises à la censure et relevant d’un cinéma d’auteur (Chabrol, Tavernier, Amalric ou Kahn) plus propice à la transposition filmique de certaines spécificités narratives de l’œuvre du romancier, comme notamment un traitement éminemment subjectif de la temporalité. Les romans de Simenon reposant bien moins sur l’action que sur la construction de personnages souvent énigmatiques, les adaptations se prêtent parfaitement au recours à des vedettes auxquelles elles offrent l’opportunité d’une mise en valeur de leur jeu: Jean Gabin (qui interpréta dix rôles issus de l’œuvre de Simenon), Michel Simon (Panique de Julien Duvivier), Michel Serrault (Les Fantômes du chapelier de Claude Chabrol), Philippe Noiret (L’Horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier) ou Michel Blanc (Monsieur Hire de Patrice Leconte). Avec des adaptations d’un même roman (Les Fiançailles de Monsieur Hire, En cas de malheur) séparées par quatre décennies, la rétrospective permet également d’observer la part interprétative et l’ancrage sociohistorique de toute transposition à l’écran d’un récit littéraire.

Alain Boillat, professeur ordinaire à l’Université de Lausanne

Les autres films du cycle

Les romans de Georges Simenon furent une manne pour le cinéma. Les délicieuses enquêtes du Commissaire Maigret ont quasiment créé un genre (La Nuit du carrefour, Maigret tend un piège). Mais, derrière le polar, il y a l’acuité du style qui dépeint une société surannée et perverse (Panique, Les Fantômes du chapelier), explore les douloureux liens filiaux (Les Inconnus dans la maison, L'Horloger de Saint-Paul) ou dévoile l’anatomie du rapport amoureux (La Vérité sur Bébé Donge, La Mort de Belle, En plein cœur, Feux rouges, La Chambre bleue, Monsieur Hire).

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