Lausanne Underground Film & Music Festival (LUFF)

La Cinémathèque suisse accueille le Lausanne Underground Film & Music Festival, dont l’édition 2023 se déroule du 18 au 22 octobre.

Dans sa grande exploration des cinématographies trop souvent ignorées, le LUFF amènera à lui le réalisateur hongrois Attila Janisch, auteur d’une trilogie de l’étrange qui entraîne la spectatrice et le spectateur dans un monde surréaliste où les repères de temps, d'espace et de lieu sont doucement maltraités, puis déformés, comme pour mieux parvenir à retourner les esprits. La singularité de ses récits lui a valu le qualificatif de «lynchien», tandis que les critiques y ont vu la radicalité d’un Michael Haneke. Sera projetée la copie rénovée de son second titre Long Crépuscule (1997), tandis qu’Ombre sur la neige (1992) et After the Day Before (2004) bénéficieront de la chaleur du 35mm.

Envol ensuite vers la Grèce, dont le cinéma fut prude jusqu’en 1958 et la sortie de La Lagune des désirs du sérieux Yorgos Zervos. Une œuvre dont l’audacieuse sensualité fit dangereusement monter le thermomètre de l’amoralité. La censure s’activa, fit malgré elle la promotion du cinéma grivois national et permit le développement d’une véritable culture du film érotique. Ironiquement, c’est ce cinéma qui allait le mieux résister à la dictature des colonels dont la politique privilégiait le développement de la télévision, plutôt que la production cinématographique. Jacques Spohr – historien et éditeur du fanzine L’Insatiable dédié au cinéma grec – sera présent et contextualisera quelques titres phares de ce curieux mouvement, dont le sublime La Peur de Kostas Manoussakis (1966).

Passage également par l’Italie, avec les pionniers de la caméra analytique qui sonde les profondeurs de la matière et de l’histoire. Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi se sont approprié des documents historiques qu’ils recolorent, relisent, remettent en musique, tout en valorisant la surface rayée de la pellicule, son émulsion colorée et son déroulement au ralenti. Ils font ainsi remonter les détails qui dérangent, les fantômes qui hantent encore le présent. Alors que la narration explose, l’hypnose et le voyage commencent. Actifs depuis la fin des années 1970, ils ne sont connus du grand public que depuis quelques années. Proposer un cinérama qui leur est dédié, c’est célébrer deux auteurs hors du commun, mais aussi réaffirmer comment la pratique expérimentale peut être liée à une action résolument politique.

La jeune Amérique sera, elle aussi, présente via une rétrospective croisée entre la reine de l’exploitation Doris Wishman et la réalisatrice expérimentale Peggy Ahwesh, tandis qu’Erika Beckman nous fera l’honneur de présenter ses films en parallèle du vernissage de la publication du dernier livre de la collection «Rip On/Off» consacré à ses écrits. Rendez-vous mi-septembre sur www.luff.ch pour davantage d’informations et quelques surprises à haute teneur psychotronique!

Julien Bodivit, directeur artistique du LUFF