Hommage à Ryūichi Sakamoto

Hommage à Ryūichi Sakamoto

La Cinémathèque suisse rend hommage au compositeur et comédien Ryūichi Sakamoto, disparu en mars dernier, à travers quelques-unes des œuvres notables auxquelles il a contribué, dont le nouveau film de Hirokazu Kore-eda, Monster, présenté en avant-première.

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Le dernier empereur

En 1988, lors de l’un de ses passages à la célèbre radio KCRW de Los Angeles, Ryūichi Sakamoto devait répondre à la question suivante: «Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans la réalisation d’un disque?» Après un petit silence, il répond: «C’est ce que j’aimerais bien savoir... En fait, je ne le sais pas vraiment».
Compositeur, musicien et même acteur (même si cela lui déplaît), Ryūichi Sakamoto est un mélangeur de styles: musique électronique, musique classique et pop. Né le 17 janvier 1952 à Tokyo, il fait ses débuts en imitant les plus grands: «Je me souviens avoir joué au piano le Concerto pour violon n° 1 de Mendelssohn quand j’avais 3 ou 4 ans. Mais c’est Debussy qui m’a bouleversé: les harmonies, la mélodie, la délicatesse». Cette délicatesse, on va la retrouver plus tard, dans toute son œuvre, et notamment dans le magnifique Merry Christmas Mr. Lawrence, issu de la bande originale du film Furyo (Nagisa Oshima, 1983) dans lequel Sakamoto joue, d’ailleurs, l’un des rôles principaux aux côtés d’un autre grand artiste de musique contemporaine... David Bowie. La même année, sort une version vocale de son titre qui rencontre un succès commercial au Royaume-Uni. En parallèle d’études d’ethnomusicologie, il commence à se produire sur scène dans le Tokyo bouillonnant des années 1970 et fonde, en 1978, le groupe Yellow Magic Orchestra (YMO) dont l’influence sur la techno, le hip-hop, la J-pop et la K-pop va être considérable et qui inspirera même des mélodies des premiers jeux vidéo. Il travaille alors avec Robert Wyatt, Brian Wilson ou encore Iggy Pop.
Mais revenons au cinéma. Car, lorsqu’il répond en 1988 à l’interview de KCRW, il vient de recevoir l’Oscar de la meilleure musique de film pour The Last Emperor de Bernardo Bertolucci (1987): «Bernardo était comme un artiste du XIXe siècle, très égocentrique, très schizophrène. Il était égoïste, puis doux. Très arrogant, émotif. C’était fascinant pour moi». Il retrouvera plus tard le réalisateur italien en écrivant la musique de The Sheltering Sky (1990). En tout, il dirigera la composition d’une quarantaine de musiques de film, travaillant avec Brian De Palma pour Femme Fatale (2002) et Snake Eyes (1998), Pedro Almodóvar pour Tacones lejanos (1991) ou plus récemment Alejandro González Iñárritu pour The Revenant (2015). Sa dernière participation cinématographique aura lieu sur Monster d’Hirokazu Kore-eda (2023) qui voulait que Sakamoto puisse écrire l’entier de la bande originale de son film. Mais la maladie du compositeur ne lui permit de composer la musique que pour deux scènes. «C’est un immense talent» dira de lui le cinéaste.
A côté de sa musique et durant ces dernières années, Sakamoto s’engage en défenseur du climat et de l’environnement. En 2007, il crée More Trees, une organisation non gouvernementale de gestion durable des forêts au Japon, et devient l’une des figures de la lutte contre le nucléaire dans son pays après la catastrophe de Fukushima en 2011. Innovateur, il restera l’un des artistes les plus influents de la musique contemporaine et l'une des rares célébrités japonaises engagées politiquement. Il décède le 28 mars 2023 à 71 ans dans sa ville natale.

Maxime Morisod

Les autres films de la rétrospective

Au fil de ses quatre décennies de carrière, Ryūichi Sakamoto a composé la bande originale de nombreux longs métrages de cinéastes nippons comme Nagisa Ōshima ou, plus récemment, Hirokazu Kore-eda, mais également d’auteur·e·s étasuniens et européens, de Brian De Palma à Pedro Almódovar. Son œuvre pour le cinéma se caractérise par un grand éclectisme et une capacité hors pair à toucher à différents genres, du drame historique (The Last Emperor, Tabou) à la comédie pour enfants (Les Aventures de Chatran) en passant par le biopic (Love Is the Devil).

Un documentaire

La découverte de la riche filmographie de Ryūichi Sakamoto sera complétée par la projection d’un documentaire signé Stephen Nomura Schible, intitulé Ryuichi Sakamoto: Coda. Sélectionné à la Mostra de Venise en 2018, ce film constitue une plongée unique dans le travail quotidien méticuleux du compositeur, tout en retraçant les moments forts de sa longue carrière au croisement de la musique et du cinéma. Le long métrage peint le portrait sensible d’un passionné ayant travaillé auprès des plus grands cinéastes en préservant toujours sa singularité.