Les 100 ans de Praesens-Film

Une compagnie de légende

Cas unique dans le panorama du cinéma helvétique, la société zurichoise Praesens-Film AG a produit plus de 100 longs métrages et reste toujours active aujourd’hui. A l’occasion de son centenaire, et en marge de l’exposition à laquelle la Cinémathèque suisse collabore au Musée national suisse à Zurich (voir p. 26), nous présentons une vingtaine de films emblématiques de son catalogue, presque tous restaurés par nos soins avec la participation de la SRF et le soutien de Memoriav.

Fondée en 1924 par l’ingénieur Lazar Wechsler et le pionnier de l’aviation Walter Mittelholzer, Praesens-Film va en premier lieu se consacrer au cinéma publicitaire et de commande, avec l’aide de cinéastes aussi remarquables que Hans Richter ou Walter Ruttmann. Elle se lance ensuite dans la production d’œuvres plus ambitieuses, n’hésitant pas à faire recours à des réalisateurs étrangers. Lazar Wechsler constitue ainsi peu à peu une équipe de collaborateurs que l’on retrouve dans presque toutes les productions: le scénariste Richard Schweizr, le chef opérateur Emil Berna, le monteur Hermann Haller, le compositeur Robert Blum, l’acteur Heinrich Gretler, ainsi que les réalisateurs Leopold Lindtberg et Franz Schnyder qui travaillent alors pour le Schauspielhaus à Zurich.

A la fin des années 1930, Praesens-Film contribue à la «défense nationale spirituelle», appelée de ses vœux par la Confédération suisse, avec une série de films patriotiques. Mais les engagements politiques et moraux de Lazar Wechsler et de ses collaborateurs, notamment le Viennois Lindtberg, les incitent à revenir à des sujets plus graves comme Marie-Louise (1943), sur les enfants français accueillis en Suisse durant la guerre, qui obtient en 1945 l’Oscar du meilleur scénario, signé par Richard Schweizer. Dans la foulée, Lindtberg, toujours accompagné de Schweizer, tourne en pleine guerre et contre l’avis du gouvernement suisse Die letzte Chance, une œuvre éminemment pacifiste qui est présentée au Festival de Cannes en 1946 et qui remporte le Grand Prix (ancêtre de la Palme d’or) avant de faire le tour du monde.

Dans l’immédiat après-guerre, Praesens-Film coproduit avec la MGM Die Gezeichneten (The Search) de Fred Zinnemann, tourné dans les ruines de Berlin avec Montgomery Clift. Le film reçoit en 1948 l’Oscar du meilleur scénario (une nouvelle fois signé par Schweizer). Deux ans plus tard, Lindtberg signe Die Vier im Jeep qui se déroule dans la ville de Vienne occupée par les alliés (Ours d’or au Festival de Berlin). Enfin, en 1953, il réalise The Village sur le village Pestalozzi qui accueille les enfants orphelins de guerre (Ours de bronze à Berlin).

Dans les années 1950, Praesens-Film s’éloigne des sujets graves pour tourner des productions populaires, voire familiales, ou des drames ruraux détachés de thématiques politiques, qui vont rencontrer un énorme succès public. Des polars sont également réalisés comme les magnifiques adapta- tions par Lindtberg des romans de Friedrich Glauser avec le personnage de l’inspecteur Studer ou encore Es geschah am hellichten Tag de l’Hispano- Hongrois Ladislao Vajda avec un étonnant scénario original de l’écrivain Friedrich Dürrenmatt, sombre récit policier avec Michel Simon, Gert Fröbe et Heinz Rühmann.

Frédéric Maire

L’exposition au Musée national suisse

A l’occasion des 100 ans de Praesens-Film AG en 2024, le Musée national suisse propose, jusqu'au 21 avril, l’exposition « Close-up. Une histoire suisse du cinéma », en partenariat avec la Cinémathèque suisse.

Plus ancienne société cinématographique de Suisse encore en activité, Praesens-Film possède une riche histoire dont les ramifications s’étendent jusqu’à Hollywood. Fondée par l’immigrant juif Lazar Wechsler, elle a connu ses heures de gloire entre les années 1930 et le milieu des années 1950, produisant plusieurs des incontournables du cinéma suisse. Cette exposition au Musée national suisse braque les projecteurs sur les personnes qui, par leur travail devant comme derrière la caméra, ont contribué à écrire l’histoire du cinéma suisse. Elle livre des anecdotes sur la genèse des films et illustre la manière dont le grand écran reflète l’époque, la politique et la société dans lesquelles il s’inscrit. Elle passe également en revue l’essor de l’industrie du septième art, marqué par les premières productions publicitaires et de commande, mais aussi les longs métrages réalisés pendant la guerre, empreints d’un mouvement de défense spirituelle et de la tradition humanitaire, sans oublier l’idéalisation de la patrie dans le cinéma d’après-guerre.

L’exposition a lieu du 12 janvier au 21 avril à Zurich au Musée national suisse.

Plus d’informations sur www.landesmuseum.ch/closeup-fr

Les longs métrages

Entre sa fondation en 1924 et le tournant des années 1960, la Praesens-Film a produit des films appartenant à des registres très divers. Des documentaires d’aviation aux comédies sociales, en passant par des films noirs, des mises en images de mythes et de récits typiquement helvétiques ou encore des œuvres faisant écho aux événements de la Seconde Guerre mondiale, les longs métrages financés par la compagnie reflètent à la fois la diversité de la création cinématographique en Suisse et les événements historiques mouvementés de la première partie du XXe siècle.

Les courts métrages

A sa création en 1923, Praesens-Film se consacre aux film,s de réclame et industriels. Son directeur et cofondateur, Lazar Wechsler s’efforce d’établir des contrats avec les cinémas de façon à ce que ses films de commande figurent en avant-programme. Praesens-Film se voit confier la réalisation de films par de nombreuses entreprises (Nestlé, Coop, Wander, etc.), et même la Confédération. Des commandes qui ont assuré une continuité dans son activité de production au cours de son histoire et dont une sélection est projetée ici.

Séance présentée par Pierre-Emmanuel Jaques, historien du cinéma, et accompagnée au piano par Enrico Camponovo. Copies restaurées numériques.