Rétrospective Spike Lee

Rétrospective Spike Lee

Retour sur la filmographie de Spike Lee avec une large rétrospective en mars et avril. Une œuvre insurgée et corrosive qui a contribué à redéfinir la pop culture en imposant frontalement la question de l'identité et en valorisant l’image des Afro-Américains dans le septième art.

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Lors de la conférence de presse pour BlacKkKlansman au Festival de Cannes en 2018, Spike Lee évoqua les événements de Charlottesville de l’année précédente et déclara: «Cela ne concerne pas que les Etats-Unis, ces conneries de droite se passent partout dans le monde. Il faut se réveiller. On ne peut pas rester silencieux. Les Blancs, les Noirs, ce n’est pas la question... nous vivons tous sur cette planète». Le réalisateur le plus important du cinéma afro-américain n'avait rien perdu de sa colère.

Shelton Jackson Lee a été rebelle depuis son plus jeune âge, d’où son surnom «Spike». Né en 1957 à Atlanta, il grandit à Brooklyn dans un milieu artistique et intellectuel: son père est musicien de jazz et sa mère enseigne la littérature et les arts afro-américains. En 1979, avec une licence en com- munication de masse en poche et la réalisation de quelques premiers essais filmiques, il intègre la Tisch School of the Arts de l'Université de New York. Son film de thèse Joe's Bed-Stuy Barbershop: We Cut Heads (1982) reçoit un prix au Festival de Locarno et remporte le Student Academy Award aux Oscars.

En 1986, She's Gotta Have It, véritable manifeste du cinéma indépendant américain, est écrit, dirigé, produit, monté et interprété par Lee avec des actrices et acteurs débutants, tous afro-américains. La bonne réception du film à sa sortie lui permet de réaliser School Daze (1988), une comédie musicale sur les divisions de classe entre étudiants afro américains et Do the Right Thing (1989), qui le consacre comme l'un des cinéastes les plus intéressants et novateurs du moment.

Après ces succès, Lee continue à analyser les relations interraciales en dénonçant racisme, intolérance, peur de l’autre, stéréotypes, préjugés et exploitation de différentes communautés, notamment avec Mo' Better Blues (1990), Jungle Fever (1991), Crooklyn (1994), Clockers (1995), Summer of Sam (1999), Bamboozled (2000). Convaincu que le cinéma est un «média puissant qui peut influencer des millions des gens», ainsi qu’un instrument pour stimuler le débat et le dialogue, il s'inspire aussi bien du cinéma d'auteur que des modèles classiques du cinéma hollywoodien, des vidéoclips et des formes documentaires militantes, le tout convergeant dans un style qui lui est propre, dans lequel l'utilisation de la musique – jazz, pop, soul, hip-hop, etc. – joue un rôle prépondérant et dont l’intrigue se situe généralement à New York.

Malgré ses attaques récurrentes contre une industrie hollywoodienne discriminatoire qui a contribué à diffuser une image négative des Afro- Américains, il travaille parfois avec les studios pour réaliser des films avec des budgets plus conséquents qui sont consacrés à l’histoire récente des USA et de la communauté afro-américaine, tels que Malcolm X (1992) ou Miracle at St. Anna (2008), mais également avec des thématiques plus universelles (25th Hour, 2002) ou des films de genre (Inside Man, 2006).

En 2015, sous la présidence de Barack Obama, il reçoit un Oscar d’honneur pour sa carrière des mains de Wesley Snipes, Denzel Washington et Samuel L. Jackson. En 2018, sous Donald Trump, son film BlacKkKlansman remporte le Grand Prix au Festival de Cannes et l’Oscar du meilleur scénario adapté. A plus de 60 ans, Spike le provocateur est toujours d’attaque!

Chicca Bergonzi