Le cinéma sud-coréen contemporain
En janvier et février, la Cinémathèque suisse propose de se pencher sur le cinéma contemporain sud-coréen, largement couronné de succès ces dernières années et l’un des plus productifs au monde. L’avant-première du nouveau film de July Jung, Next Sohee, est projeté en sa présence et accompagne cette sélection de fictions réalisées entre 2000 et 2022.
Histoire de genres
En 1987, la Corée du Sud vit la première élection présidentielle de son histoire. Le régime dictatorial est enfin aboli. Durant les années 1990, les films en salles sont largement dominés par les productions hollywoodiennes,
le peuple ayant besoin de rêver et envie de s’occidentaliser. Les cinéastes du pays se confrontent à la réticence du public pour les œuvres tendant à une critique sociale. Le subterfuge est tout trouvé: de jeunes réalisatrices et réalisateurs vont dès lors passer par les films de genre afin de se libérer des traumatismes liés aux années de sacrifice d'après-guerre. De ce mouvement insolite qui gagne progressivement en popularité, vont jaillir des metteuses et metteurs en scène comme Park Chan-wook, avec la sortie en 2000 de JSA (Joint Security Area), succès critique et commercial qui lancera cette nouvelle vague de talentueux cinéastes sud-coréens. Cet élan va se traduire par de nombreuses productions, de tous genres: du drame absurde (Memories of Murder, 2003), au film intime (les 30 longs métrages de Hong Sang-soo), à la course-poursuite haletante (Hard Day, 2014), au thriller horrifique (The Chaser, 2008), à l’humour, au film noir, à plusieurs chefs-d’œuvre qui aboutissent, en 2019, à une Palme d’or à l’unanimité pour Parasite (2019), premier film en langue étrangère à gagner également l’Oscar du meilleur film en 2020.
Maxime Morisod
Agitation au «Pays du matin calme»
Avec les succès phénoménaux de Parasite de Bong Joon-ho, des séries (telles que Squid Game), mais aussi de la K-pop (le boys band BTS en tête), la Corée du Sud jouit d’un rayonnement sans précédent. Pourtant, son cinéma n’a pas attendu le couronnement de Bong Joon-ho au Festival de Cannes et aux Oscars pour signaler sa vitalité. Ne cherchant à panthéoniser ni des cinéastes ni des films, ce cycle invite plutôt à parcourir ces deux dernières décennies pour (re)découvrir la richesse d’une production qui, hors festivals, peine encore à exister sur les écrans suisses. Constamment à la croisée des codes et des genres – le cinéma sud-coréen excellant dans le glissement entre les tons –, les films de ce programme se rejoignent néanmoins sur un thème, puisqu’ils invitent à se confronter aux enjeux sociétaux d’une nation qui, à l’aube du nouveau millénaire, s’émancipait tout juste d’un régime militaire et d’une censure sévères. Park Chan-wook l’affirmait d’ailleurs dans le documentaire Les Enragés du cinéma coréen d’Yves Montmayeur (2007): «Les bons films coréens parlent toujours de la relation entre l’individu et la société. [Leurs] réalisateurs s’intéressent (...) aux conflits liés à cette relation». A notre tour de nous y intéresser.
Loïc Valceschini
Les autres films du cycle
Bien que Park Chan-wook et Bong Joon-ho clôturent ce cycle avec deux œuvres qui ont marqué le cinéma sud-coréen au fer rouge (respectivement JSA et Parasite), ils n’en incarnent bien évidemment pas l’unique composante. En sus d’autres auteures et auteurs incontournables, dont Hong Sang-soo (La femme est l’avenir de l’homme et Un jour avec, un jour sans) et Lee Chang-dong (Oasis et Poetry) pour ne citer qu’eux, la sélection fait aussi la part belle aux premiers films et aux (plus) jeunes cinéastes qui, ensemble, partagent cette volonté de sonder passé et présent pour exposer, souvent avec fracas, l’indicible.
Cet événement est organisé en collaboration avec l'ambassade de la République de Corée auprès de la Confédération suisse à l'occasion du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la République de Corée et la Suisse (1963-2023).
Trailer - Le cinéma sud-coréen contemporain à la Cinémathèque suisse
Biographie(s)
July Jung
Née en 1980 à Yeosu, en Corée du Sud, July Jung étudie l’image et les médias à l’Université de Sungkyunkwan. Après son diplôme, elle entre au département cinéma de l’Université nationale des arts de Corée et réalise, en 2007, son premier court métrage, A Man under the Influenza, qui remporte le Prix du meilleur court métrage coréen au Festival international du film de Busan. Son premier long, A Girl at My Door (2014), est sélectionné au 67e Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, remporte de nombreux prix dans des festivals internationaux et récolte d’élogieuses critiques des médias et du public. Huit ans après A Girl at my door, July Jung revient avec un second long métrage, Next Sohee, récompensé au Fantasia International Film Festival, ainsi qu’au Tokyo Filmex par un Prix spécial du jury.
Evénement(s)
Avant-première: Next Sohee de July Jung
Dimanche 22 janvier à 18:00
Un jour, j’ai appris la mort d’une lycéenne qui s’était tuée moins de trois mois après avoir commencé un stage professionnel. J’ai voulu savoir ce qu’il s’était réellement passé et j’ai découvert que le problème nous concernait toutes et tous, y compris moi-même, alors que je n’avais évidemment rien à voir avec cette affaire. L’histoire de Next Sohee est ainsi née de ce fait réel (...).
J’ai dépeint Sohee comme une lycéenne ordinaire, une élève jeune, confiante et unique. Il était important qu’elle change après avoir commencé à travailler (...). Yoo-jin est une inspectrice qui a repris rapidement le travail après la mort de sa mère, décédée d’une longue maladie. Fatiguée, épuisée, elle ne peut même pas défaire ses cartons dans son nouvel appartement. (...)
J’ai tenté de faire de Sohee un personnage qu’on n’avait jamais vu dans le cinéma coréen et sitôt que j’ai parlé à l’actrice Kim Si-eun, j'ai su que c’était exactement la Sohee que je cherchais. J’ai eu beaucoup de chance. Quant à Bae Doo-na, c’était pour moi la seule actrice pour jouer Yoo-jin (...), d’autant plus que j’avais des attentes et des idées très spécifiques quant aux émotions du personnage qu’elle seule pouvait exprimer aussi parfaitement.
July Jung
Séance spéciale présentée par une médiatrice ou un médiateur du Festival Cinéma Jeune Public
Dimanche 5 février à 10:30