Columbia Pictures: 100 ans
En partenariat avec le Locarno Film Festival, une sélection de films produits par la Columbia Pictures, célèbre studio hollywoodien, des classiques du septième art en passant par des pépites méconnues.
La femme avec la torche
Cette image hyperréaliste d’une dame qui se tient debout sur son piédestal en brandissant fièrement une torche enflammée, voilà bien le symbole idéalisé de la vie américaine. Elle annonçait l’arrivée d’un nouveau film de la Columbia Pictures, souvent en noir et blanc, en général pas très long, mais haletant par le ton et le rythme. Pourtant, les films de la Columbia étaient plutôt critiques envers cette Amérique de la liberté, dont ils présentaient les aspects moins glamour. Ils décortiquaient et interrogeaient les valeurs américaines, en racontant des histoires de femmes d’affaires courageuses, de cow-boys existentialistes et d’autres personnages prophétiques en lutte contre le fascisme. Il n’en demeure pas moins que le symbole de la torche présente à nouveau à la fin du film réaffirmait les valeurs et la science cinématographique défendues par John Ford, Dorothy Arzner, Budd Boetticher et Richard Quine.
La rétrospective présentée au Locarno Film Festival, avec 44 films de la Columbia Pictures, fut l’occasion de revisiter cet âge d’or, de 1929 à 1959, depuis le simple studio de la Poverty Row aux triomphes hollywoodiens. Riche de nouveaux et précieux tirages et de films savamment restaurés, le programme du festival montrait les nuances narratives d’un studio devenu majeur et la portée de ces merveilleux longs métrages devenus emblématiques. Il prend à présent le chemin de la Cinémathèque suisse.
En dehors d’exceptions telles que Lawrence of Arabia de David Lean (1962), la Columbia ne disposait pas souvent de budgets importants. Même à son apogée, elle préférait se spécialiser dans les films à énigme palpitants, les comédies sophistiquées et les westerns à petit budget. Ouverte à la nouveauté et désireuse de travailler avec des talents en herbe, la Columbia, à l’inverse des autres Majors d’Hollywood, opta pour des contrats de courte durée, ce qui permettait aux nouveaux talents d’aller et de revenir, «faisant le buzz» et facilitant une plus grande diversité esthétique. A la fin des années 1950, les films de genre, considérés comme faciles, acquièrent leurs lettres de noblesse. Puis, un vent nouveau souffle sur Hollywood, et ce sont des réalisateurs de la Columbia tels que Nicholas Ray et Irving Lerner qui ouvrent la voie: un nouveau cinéma américain est sur le point d’éclore.
Ces personnalités et les films qu’elles ont produits, qui sont autant de jalons de l’histoire du cinéma, font l’objet d’un ouvrage publié en collaboration avec la Cinémathèque suisse, dont la collection d’images est enrichie des archives rares et précieuses fournies par la Sony Entertainment (actuelle maison mère de la Columbia Pictures). Tant les mots que les images de ce livre dressent le portrait de ces trois décennies exubérantes de créativité, expliquent l’évolution et la croissance de la Columbia, et évoquent ces temps bénis où l’art et le commerce, le système et l’artiste, vivaient en «bonne harmonie».
Ehsan Khoshbakht, curateur de la rétrospective
Les autres films de la rétrospective
Dès ses premières années d’existence, la Columbia Pictures a offert un terrain d’expression à des cinéastes considérés depuis comme des auteurs de premier ordre de la période classique hollywoodienne. La Cinémathèque suisse propose de se replonger dans une série de films incontournables financés et portés par la mythique maison de production, avec plusieurs chefs-d’œuvre d’Orson Welles, Howard Hawks, John Ford, George Cukor ou encore Frank Capra, ainsi que des films ayant fait la réputation de certaines des plus grandes stars de l’époque, de Rita Hayworth à Cary Grant.
Evénement(s)
Lawrence of Arabia en 4K au Capitole
Dimanche 15 septembre à 15:00
La Cinémathèque suisse a l’immense plaisir de projeter au Capitole la nouvelle restauration en 4K du chef-d’œuvre de David Lean, succès critique et commercial à sa sortie, et lauréat de sept Oscars en 1963, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Lawrence of Arabia a marqué le début de carrière de plusieurs cinéastes, à l’instar de Steven Spielberg: « Ce sont deux films de David Lean qui m'ont donné envie de faire du cinéma, The Bridge on the River Kwai et Lawrence of Arabia. Leur envergure et leur audace m'ont fait rêver à d'infinies possibilités. J'ai vu le second à sa sortie en 1962 (...), et il m'inspire toujours autant aujourd'hui. Il n'existe rien de gratuit dans ce film ni dans aucun film de Lean. Rien n'est de trop. Chaque plan est un indice qui dévoile l'intrigue, et chaque image est un écho du cœur. (...) Les films de Lean sont comme de grands romans, à une différence près: quand on lit, c'est l'imagination qui déclenche les images; au cinéma, il faut faire confiance à l'imagination du metteur en scène. Si le metteur en scène est bon, il ne trahit pas cette confiance, mais si le metteur en scène est grand, comme Lean, il peut aller au-delà, et faire apparaître sur l'écran des images que l'imagination même ne peut prévoir».