
Rétrospective Marcel Schüpbach
Rétrospective du cinéaste suisse Marcel Schüpbach: courts, longs, documentaires et fictions, dont L'Allégement en version restaurée.
Entre fictions et documentaires
Dans l’ouvrage qu’il a récemment publié aux éditions Bernard Campiche, Instantanés, Marcel Schüpbach explique que son désir de cinéma est venu d’un besoin de communiquer avec les autres, lui qui, enfant, souffrait d’avoir conservé un léger accent suisse alémanique – il est né à Zurich – dans son parler jurassien. Mais en vérité, très vite, le jeune Marcel Schüpbach trouve là aussi un langage qu’il élabore à l’instinct, nourri de sa fréquentation de la Cinémathèque suisse, avec un sens inné du cadre, de l’attention, de la patience et du silence: son cinéma n’a jamais été très bavard.
Très tôt il économise pour s’acheter une caméra Super 8, puis emprunte une Bolex 16mm avec laquelle il tourne ses premiers courts, dont certains déjà remarquables et remarqués: Murmure (1971), portrait de son grand-père à la Chaux-de-Fonds, et Lermite (1979), autour de l’œuvre du célèbre peintre des Bayards. Entre ces débuts documentaires, il s’attache aussi à la fiction avec Claire au pays du silence (1974) suivi, neuf ans plus tard, par son premier long, L’Allégement, encore un film peu bavard qui sublime une esthétique du noir et blanc (voir ci-contre), un peu à la façon expressionniste d’un film muet.
Le succès de ce premier film le pousse alors à passer à la couleur et à des œuvres de fiction où il cherche une autre voix, plus libre peut-être, comme dans le road-movie Happy End (1987), tourné (presque) au jour le jour avec son duo d’acteurs, Carlo Brandt et la regrettée Marie-Luce Felber, une aventure passionnelle qui s’achève dans le déchirement. Ce film incompris par la critique de l’époque pousse le cinéaste à revenir à la télévision, où il tourne alors Violon Passion (1988), un documentaire marquant autour du violoniste Pierre Amoyal qui vient de se faire voler son Stradivarius. Un film sur l’amour (de l’art) et la transmission de cette passion, sur l’importance de maîtriser suffisamment l’instrument pour pouvoir oublier la technique. Alors qu’il travaille toujours à différents travaux pour les émissions Viva et Tell Quel, le producteur neuchâtelois Jean-Marc Henchoz (qui avait aimé L’Allégement) lui propose de réaliser une nouvelle fiction. Marcel Schüpbach choisit d’adapter le roman d’Ania Carmel, sur un père qui éduque ses deux enfants (très) à la dure. Ce sera Les Agneaux (1996), co-écrit notamment par Pascal Bonitzer, et avec Richard Berry.
Mais le long chemin de production des longs métrages de fiction et ses compromis politiques ne passionnent pas plus que ça le cinéaste, qui a croisé des réalités tellement plus essentielles, sans doute, dans ses reportages pour la télévision. Il reprend alors sa caméra pour filmer le monde – il deviendra d’ailleurs l’un des producteurs de la prestigieuse émission Temps présent avec le journaliste Jean-Philippe Ceppi. Outre la quarantaine de reportages qu’il signe, alternant sa vision sur un monde déchiré et l’univers plus réflexif de la création artistique, il tourne aussi deux documentaires qui sortiront en salle: B comme Béjart (2001), sélectionné à Venise, l’une des œuvres majeures sur le chorégraphe installé à Lausanne, et La Liste de Carla (2006), sur le travail de la procureure Carla Del Ponte au cœur du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, présenté en première sur la Piazza Grande de Locarno.
Frédéric Maire
"L'Allégement" restauré
La rétrospective consacrée au cinéaste Marcel Schüpbach propose, en sa présence, la première de la restauration de L’Allégement, son premier long métrage. Présenté en compétition au Festival de Locarno en 1983, il y a reçu (entre autres) le Grand prix du Jury des jeunes. Aux côtés de Anne-Marie Blanc, Hanns Zischler et Serge Avedikian, le personnage principal du film était incarné par Anne Caudry, jeune comédienne française très prometteuse, petite-fille de l’écrivain Georges Bernanos, malheureusement décédée à 34 ans. La restauration en numérique 4K a été effectuée par la Cinémathèque suisse avec le soutien de Memoriav, sous la supervision du cinéaste, à partir des éléments originaux 35mm, à Zürich, au laboratoires Cinegrell pour l’image et TonStudioZ pour le son. Les images en noir et blanc de Hugues Ryffel, le son de Laurent Barbey et la musique de Michel Hostettler retrouvent dans cette version numérique une splendeur assez exceptionnelle, déjà appréciée en avant-première par le public, l’an dernier, au Festival de Locarno.
Frédéric Maire
Biographie(s)

Marcel Schüpbach
Né en 1950 à Zurich, Marcel Schüpbach se passionne très tôt pour le septième art. Dès l'âge de 15 ans, il réalise en amateur des courts métrages expérimentaux, puis se forme en participant comme assistant-opérateur ou monteur à de nombreux films du nouveau cinéma suisse. En 1980, son hommage filmé au peintre jurassien Lermite est remarqué. Il tourne ensuite plusieurs longs métrages de fiction, à l’instar de L'Allégement (1983), Happy End (1987) ou Les Agneaux (1995), ainsi que des documentaires pour le cinémayyy. Pour la télévision, il a collaboré aux magazines Viva et Temps présent et réalisé plus d'une quarantaine de grands reportages en Suisse et à travers le monde. Ses deux longs métrages documentaires B comme Béjart (2002) et La Liste de Carla (2006) ont connu une diffusion mondiale.
Evénement(s)
Séance avec présentation. Copie restaurée numérique. Précédé du court-métrage Lermite.
Mercredi 14 mai à 20:00
Revoir le Jura de Marcel Schüpbach
La restauration numérique de L'Allégement a été effectuée à partir du négatif image original en 35mm et du son magnétique 35mm. Les travaux ont été réalisés par le laboratoire Cinegrell pour l’image et Tontudios Z pour le son. Une étroite collaboration avec ces deux partenaires ainsi que la présence et supervision indispensable du réalisateur ont permis de restituer la force contenue dans l’image et le son de ce film.
Séance en présence de Marcel Schüpbach à l'occasion de l'ouverture de la rétrospective qui lui est consacrée