La Quinzaine des Cinéastes 2023 à Lausanne

La Quinzaine des Cinéastes 2023 à Lausanne

La Cinémathèque suisse propose en septembre et octobre une large sélection des films présentés à La Quinzaine des Cinéastes lors du dernier Festival de Cannes.

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En avant, jeunesse!

La Cinémathèque suisse propose en septembre et octobre une large sélection de films de la Quinzaine des Cinéastes du dernier Festival de Cannes, avec des avant-premières et des longs métrages suisses des précédentes éditions.

Sélection parallèle du Festival de Cannes, la Quinzaine des Réalisateurs est devenue, pour sa 55e édition, la Quinzaine des Cinéastes. Chantre de l’audace, la Quinzaine cultive un rôle d’explorateur pour défricher les nouvelles écritures cinématographiques et promeut des œuvres libres sans hiérarchie de genre. Les 19 films de la sélection 2023 partagent un même esprit buissonnier : ils s’aventurent dans des chemins de traverse, défient le formatage, se jouent des formes et des structures narratives traditionnelles.

L’Américaine Joanna Arnow emprunte les voies du BDSM dans The Feeling That the Time for Doing Something Has Passed, une comédie pince-sans-rire dans laquelle une trentenaire désabusée s’épanouit dans des jeux de soumission sexuelle, tandis qu’elle essuie des humiliations quotidiennes au travail et en famille. Le Français Pierre Creton met en scène le romanesque Un prince, en rase campagne, au milieu des herbes et des fleurs, comme si de l’humus normand naissait l’attirance charnelle entre paysans.

L’Inde et le Pakistan nous adressent Agra de Kanu Behl et In Flames de Zarrar Kahn, deux films symptomatiques de sociétés patriarcales étouffantes. Le premier est une comédie cauchemardesque qui suit les déboires d’un jeune frustré sexuel en lutte avec sa famille pour conquérir un espace de vie. Hallucinations d’une jeune femme, dans le second, en proie au pouvoir écrasant des hommes ou comment une simple romance mute soudain en film d’horreur et d’épouvante. Le conflit entre les générations se niche également au cœur de Grace du Russe Ilya Povolotsky, un road-movie wendersien endeuillé et un récit d’apprentissage sur fond d’exil nécessaire. Mambar Pierrette, de la Belgo-camerounaise Rosine Mbakam, affronte vaillamment et sans l’aide des hommes un quotidien où chaque jour est une nouvelle épreuve.

Subversion et renouvellement des genres à la Quinzaine cette année. Le Belge Claude Schmitz propose un faux polar avec L’Autre Laurens, mais un vrai film méta sur les ruines d’un cinéma américain patriarcal dépassé. Le Français Cédric Kahn revisite le film de procès au cordeau avec Le Procès Goldman, reconstitution minutieuse d’une joute rhétorique dans une affaire qui charrie racisme et bavures policières. La créativité est également au service des puissances de l’imaginaire chez le cinéaste français Michel Gondry. Portrait de l’artiste en enfant-roi capricieux, Le Livre des solutions est une autofiction qui fait du bricolage le remède à la folie maniaco-dépressive de son auteur. La religion de l’art est aussi celle du catholique L'Arbre aux papillons d'or de Thien An Pham (lauréat de la Caméra d’or), un voyage spirituel dans la campagne vietnamienne qui prend l’allure d’une immersion sensorielle et plastique. De nos jours est le nouveau film du coréen Hong Sang-soo, un retour à l’instant présent en compagnie d’un chat, d’un repas, d’une bouteille de whisky et d’un paquet de cigarettes. Très bonne Quinzaine à vous!

Julien Rejl, délégué général de la Quinzaine des Cinéastes

Oliveira et quatre films suisses en complément

La version restaurée de Vale Abraão (1993), film phare de la filmographie de Manoel de Oliveira, est également présenté dans ce programme. Trente ans après sa sélection à la Quinzaine en 1993, l’œuvre sensuelle du cinéaste portugais a inspiré l’affiche de l’édition 2023 de la section, durant laquelle elle fut projetée. Enfin, en complément de cette reprise, une sélection de quatre films suisses sélectionnés lors de précédentes éditions de la Quinzaine sont également proposés.

Biographie(s)

Hong Sang-soo

Hong Sang-soo

Né à Séoul en 1960, Hong Sang-soo étudie la mise en scène
à l’Université de Chungang (Séoul), puis aux Etats-Unis au College of Arts and Crafts (Californie) et à l’Art Institute (Chicago). Il fait ses débuts de réalisateur à la télévision, avant de tourner
en 1996 son premier film pour le cinéma, Le jour où le cochon
est tombé dans le puits
, qui connaît un succès critique en festivals, notamment en Europe. Réalisant en moyenne un film par année,
il reçoit, en 2015, le Léopard d’or au Festival de Locarno pour
Un jour avec, un jour sans, puis l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour La femme qui s’est enfuie à la Berlinale 2020
et l’Ours d’argent du meilleur scénario pour Introduction à la Berlinale 2021. De nos jours, présenté en clôture de la Quinzaine des Cinéastes 2023, est son 30e film.

Biographie(s)

Cédric Kahn

Cédric Kahn

Cédric Kahn débute comme stagiaire-monteur pour le film Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat (1987), puis réalise son premier court métrage Les Dernières Heures du millénaire (1990). Deux ans plus tard, il présente son premier long métrage Bar des rails, sélectionné à la Semaine de la Critique de Venise. Il reçoit le prix Jean Vigo avec Trop de bonheur en 1994 et le prix Louis-Delluc avec L’Ennui en 1998. Son film Roberto Succo est sélectionné au Festival de Cannes en 2001 et Feux rouges à la Berlinale en 2004. En 2014, il obtient le Prix spécial du jury au Festival de San Sebastián pour Vie sauvage. En 2018, son acteur principal Anthony Bajon, dans La Prière, est récompensé de l’Ours d’argent du meilleur comédien au Festival de Berlin. Kahn est également comédien dans de nombreux films.

Biographie(s)

Thien An Pham

Thien An Pham

Thien An Pham est un réalisateur, producteur et scénariste vietnamien né en 1989 dans la province de Lam Dong. Après avoir obtenu un diplôme en technologie de l’information, il prend conscience de son intérêt pour le cinéma et la réalisation. Il s’installe aux Etats-Unis et travaille comme cinéaste indé- pendant. Son premier court métrage, The Mute, est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux. Son second court métrage, Stay Awake, Be Ready, remporte de nombreux prix, parmi lesquels le Prix Illy à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes en 2019, et a également été présenté dans plusieurs festivals tels que Clermont-Ferrand, Locarno ou Busan. L'Arbre aux papillons d'or, sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes 2023, est son premier long métrage.

Biographie(s)

Manoel de Oliveira

Manoel de Oliveira

Né en 1908 à Porto dans une famille bourgeoise, Manoel de Oliveira s’est passionné pour le cinéma dès l’adolescence et
a réalisé des films jusqu’à sa mort en 2015, à 106 ans. En 1931,
il tourne un premier film muet consacré à l'activité des ouvriers sur les rives du Douro, salué par la critique internationale. La vie au bord du fleuve de Porto est aussi le thème de sa première fiction, Aniki-Bóbó, en 1942. A partir des années 1970, il s’affirme comme l’un des plus grands cinéastes portugais. Il réalise ensuite plusieurs adaptations de romans, dont les thèmes récurrents sont les histoires d’amour impossibles. Il reçoit, entre autres, le Prix Robert-Besson, en 2004, ainsi qu’une Palme d’or, en 2008, l’année de ses 100 ans, des mains de son ami Michel Piccoli et qui consacre l’ensemble de son œuvre.

Evénement(s)

Avant-première: De nos jours de Hong Sang-soo

Mardi 19 septembre à 20:30

Ce film est né de mon acteur Ki Joobong et de mon actrice Kim Minhee. Ce fut d’abord Ki Joobong qui m’a envoyé une photo de lui, que j’ai conservée sur mon téléphone portable. Puis, plus tard, j’ai pris une photo de Kim Minhee et les deux se sont retrouvés l’un après l’autre sur mon téléphone. Ils étaient tous les deux habillés en blanc, c’est peut-être ça le point de départ du film.

Si mon art reflète évidemment quelque chose de moi, je puise aussi une partie de mon inspiration dans mes lectures, les tableaux que je regarde. Mais je fais toujours attention à ne pas réaliser une représentation de moi- même. J’ai tenté une fois l’expérience, à 22 ans, d’écrire un scénario sur un événement qui m’était arrivé. Je me suis battu pendant un an pour ce film et je n’ai jamais réussi à le faire. C’est là que j’ai compris que cela ne servait à rien de chercher à copier la réalité. Cela institue un blocage psychologique qui m’empêche de créer librement. C’est pour cela que j’essaie de mélanger des détails de différentes sources, afin d’obtenir une distance nécessaire entre le sujet et moi. Cependant, il est vrai qu’en vieillissant, ces détails dont je me sers sont de plus en plus proches de moi.

Hong Sang-soo

Avant-première: Le Procès Goldman de Cédric Kahn

Mercredi 4 octobre à 20:30

J’ai découvert Pierre Goldman il y a environ quinze ans avec son livre Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Ce qui m’a sauté aux yeux, ce n’est pas son innocence, c’est sa langue, extraordinaire. Son style, sa dialectique, sa pensée. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose de ce livre. Il me semble que la grande œuvre de Goldman, c’est son acquittement, dont ce livre est le catalyseur. (...) En dehors de cela, la vie de Goldman est une série d’échecs, de drames, de renoncements. J’ai donc écarté la piste du biopic et je me dis que le film à faire, c’est le procès. Le procès, ça signifiait aussi, pour moi, une absence de musique et de flashbacks, non pas pour des raisons cinématographiques, mais éthiques. Je ne souhaitais pas créer du point de vue, de l’empathie, mais que le spectateur soit dans la position du juré, dans le doute par rapport à Pierre Goldman. Je voulais lui donner sa chance. Les figurants dans la salle du tribunal ne connaissaient pas le scénario et on a tourné dans l’ordre chronologique du procès. Lors du tournage, j’ai organisé de petites interviews des figurants. Je leur demandais si, pour eux, Goldman était innocent ou coupable. Très souvent, ils répondaient qu’ils avaient envie qu’il soit innocent. Cette réponse, c’est la définition du charisme de Goldman.

Cédric Kahn

Avant-première: L’Arbre aux papillons d’or de Thien An Pham

Dimanche 8 octobre à 19:00

Je suis né et j'ai grandi dans une paisible ville de campagne où la plupart des gens se lèvent tôt le matin et commencent leur journée en assistant à la messe à l'église. Au crépuscule, après une longue journée de travail, ils se rassemblent pour prier et rendre grâce à Dieu. Ils consacrent alors un temps de silence à leur propre spiritualité. Jeune adulte, je me suis ensuite rendu
à Saigon pour me former et travailler. Sans m'en rendre compte, je me suis lancé dans une course insensée, fastidieuse et répétitive pour gagner de l'argent et réussir. Or, je n'ai rencontré que déception, confusion et insécurité. Pour m'en sortir, j'ai ressenti la nécessité d’être plus fidèle à moi-même. Cela m'a conduit à lutter contre les préjugés et les tentations vaines qui m'ont entraîné dans ce cercle sans fin.

Avec ce film, je veux examiner comment le voyage d'un homme vers sa ville natale le conduit à renouer avec son passé, et révèle son conflit interne entre une foi qu'il a négligée et une vie qui le rend profondément insatisfait. (...) Je crois que nous nous tournons toutes et tous vers la spiritualité pour surmonter l'agitation de la société moderne superficielle. Que l'on croie en Dieu ou non, on ne peut éviter de se demander qui l'on est et pour qui l'on vit.

Thien An Pham

Restauration: Vale Abraão de Manoel de Oliveira

Mardi 24 octobre à 19:00

La 55e édition de la Quinzaine des Cinéastes a choisi, pour son affiche, de rendre hommage à Vale Abraão, un film phare de la filmographie de Manoel de Oliveira, que le cinéaste portugais a réalisé en 1993 et qui avait été sélectionnée à la 46e édition du Festival de Cannes dans cette même section.

Trente ans plus tard, en 2023, la Quinzaine des Cinéastes a offert l’occasion aux spectatrices et spectateurs de redécouvrir ce film dans une version restaurée et en présence de l’actrice principale Leonor Silveira et du producteur Paulo Branco.

Cette transposition d’une adaptation de Madame Bovary de Gustave Flaubert dans le Portugal de la seconde moitié du XXe siècle, que le cinéaste avait lui-même commandée à l’écrivaine Augustina Bessa-Luís, est un film d’une puissance érotique et sensuelle de tous les plans. En juin 1993, dans les Cahiers du cinéma, Manoel de Oliveira déclarait: «Comment une femme résiste aux hommes, qui sont le pouvoir, par la force de sa vision poétique du monde, même si elle est illusoire. Emma se rattache au lyrisme, à l’épopée, à une manière de faire de la poésie à partir du monde qui l’entoure, pour résister, aux personnages masculins qui, eux, n’y voient qu’un enjeu de pouvoir».

En collaboration avec

La Quinzaine des Cinéastes 2023 à Lausanne